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YOGA OCCIDENTAL

Dernière mise à jour : 9 févr. 2023


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport



Pierre a 52 ans. Il est très sympa. Je le suis depuis des années pour ses petites blessures de coureur. Il a longtemps travaillé comme directeur marketing pour une marque de belles automobiles. Un jour comme un autre, il est reçu par le big boss dans son grand bureau. Celui-ci l’accueille et lui dit : « Pierre, je t’annonce que nous n’allons plus travailler ensemble ». Mon patient s’étonne : « Tu t’en vas ? ». Son patron lui répond : « Non, c’est toi qui t’en vas ! »


Comme souvent, à ces moments charnières, Pierre a remis en question son mode de fonctionnement. Et sa deuxième vie a commencé quand il a pris conscience qu’il n’en n’avait qu’une ! Il est devenu prof de yoga !


Pierre : J’ai des douleurs sur le coté du genou, notamment dans certaines postures, particulièrement quand je suis à genou, assis sur mes talons.


Je l’examine et les manipulations de son articulation confirme l’hypothèse habituelle. Pierre souffre d’une lésion du ménisque.


Le Doc : Pierre, vous avez abîmé votre ménisque interne. Vous en avez deux par genou, un de chaque côté. Il s’agit de deux petites cales en forme de croissant. Elles améliorent l’emboitement entre le bas du fémur de forme convexe et le haut du tibia qui est plat. Les ménisques se déplacent vers l’arrière quand vous pliez votre articulation afin de suivre le léger glissement de l’os de la cuisse. Lorsque vous vous accroupissez longtemps et souvent, la corne postérieure de votre ménisque finit par se coincer, se cisailler … et se fissurer !


Pierre : Zut alors ! Je pensais que le yoga était bon pour la santé !


Le Doc : Bien-sûr ! Tout est une question de curseur ! Une sollicitation peut créer une adaptation bénéfique … mais si on l’intensifie, elle provoque des lésions ! Je propose d’ailleurs aux sportifs d’endurance que je chouchoute de réduire les étirements analytiques, muscles par muscles, désormais décriés sur le plan scientifique. Je leur suggère de les remplacer par un travail des amplitudes beaucoup plus global, sollicitant les grandes membranes du corps, les fameux fascias. Et le yoga, une pratique millénaire, répond étonnamment à cette vision novatrice !


Pierre : Quand cette pratique devient-elle délétère ?


Le Doc : Le yoga est responsable de blessures quand les postures dépassent les amplitudes articulaires physiologiques ! J’ai des exemples vécus en consultations à tous les étages du corps ! Commençons par le bas ! J’ai vu des tendinites et des impactions de cheville chez le pratiquant constitutionnellement un peu raide qui abuse de l’extension en s’asseyant longtemps sur ses talons. Vos lésions de ménisque sont classiques de l’hyperflexion de genou. A force de se pencher en avant, les adeptes du yoga souffrent souvent des ischiojambiers, en haut de la cuisse, à l’endroit où ils s’accrochent sur le bassin. Les fessiers s’abîment aussi sur les côtés à l’occasion des étirements latéraux ! L’articulation de la hanche est très emboitée. En cherchant à gagner en amplitude, le fémur vient cogner sur l’os iliaque. Il en résulte des lésions de cartilage et de volumineuses cicatrices osseuses. On parle de « conflit de hanche » pour décrire ce début d’arthrose atypique. J’ai fait ce diagnostic récemment chez une ravissante enseignante de yoga. Et enfin, j’ai vu la plus grosse hernie discale de ma carrière, chez un novice enthousiaste. Pour l’anecdote, il s’agissait d’un superbe pilote de ligne qui voulait faire aussi bien que sa jolie voisine expérimentée !


Pierre : C’est étrange … pourquoi autant de blessures ?


Le Doc : C’est à cause du curseur ! Il ne faut pas basculer dans l’excès ! D’autant que le yoga est une tradition asiatique comme bon nombre d’arts martiaux. Ces disciplines traditionnelles profitent de la souplesse naturelle de ces populations. En effet, les protéines impliquées dans l’extensibilité membranaire, notamment le collagène et l’élastine, sont codées notre l’ADN. Leurs caractéristiques mécaniques dépendent donc de notre patrimoine génétique. Il en est de même de la conformation et de l’emboitement de nos articulations. Ainsi, en Europe, nous sommes constitutionnellement plus raides. Forcer peut agresser et abîmer nos tissus plus rigides ! Alors, le yoga très bien ! Mais dans les limites de ce que vous permet la nature …


Pierre : J’ai compris ! Je vais pratiquer et enseigner un yoga occidental !


Docteur Stéphane CASCUA. Médecin du sport

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