top of page

SPORT : L’EQUITE N’EXISTE PAS !

  • secretariatdocteur4
  • il y a 8 minutes
  • 6 min de lecture

Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport

Rédacteur en chef de www.docdusport.com

 

En compétition, vous pensez affronter vos concurrents à la loyale. Vous croyez que le règlement vous l’assure !  C’est faux ! Réflexion autour de la biologie et de la sociologie de la performance !

 

« Quand on veut on peut ! » ! Voilà qui pourrait étayer le culte de la volonté et du courage pour conquérir les podiums. Alors, Thierry, runneur assidu, a vu passer les Kenyans au Marathon du Paris à 21 km/h. Il accroché le petit peloton de l’élite … gesticulant comme un pantin désarticulé … gaspant comme un poisson hors de l’eau … il a fait un claquage du mollet après 300 mètres … puis il est rentré en taxi ! Il a décidé de s’entraîner un maximum pour y parvenir sur 42 kilomètres ! J’ai été contraint de lui expliquer pourquoi il devait renoncer à son projet !


 

La génétique pèse de tout son poids !

 

Vous l’avez compris, quelques soit votre préparation, vous ne parviendrez pas à couvrir 42 kilomètres 195 mètres en 2H02.  Votre morphologie n’est pas assez longiligne, vos membres inférieurs sont trop lourds. Surtout vos aptitudes cardiovasculaires et énergétiques intra-musculaires transmises par vos parents sont bien trop limitées ! Et aller à l’école en courant toute votre enfance sur des kilomètres, s’entraîner comme un forçat à l’adolescence pour sortir de la misère ni auraient rien changer ! Les études montrent qu’une pratique sportive spécifique et bien conçue permet d’augmenter votre cylindrée, la fameuse VO2max, de 20 à 30% !

 

PROGRESSION DE LA VO2 MAX : 20 A 30 % MAX

 

Alors que la moyenne d’un sédentaire de 20 ans tourne autour de 40 à 45 ml/Kg/mn, la marge progression nous amène aux alentours de 50 à 60. Ces aptitudes aérobies suivies d’une préparation adaptée permettent de revendiquer un chrono sur marathon de 4H à 3H30 ! Logiquement, on est dans le ventre mou du peloton et les espoirs de podium sont rigoureusement inaccessibles ! En homme de terrain gouailleux, Cyril GUIMARD, célèbre entraîneur cycliste, synthétisait le concept grâce à la formule : « Pour réussir dans le vélo, il est impératif de bien choisir ses parents ».

 

 

« POUR REUSSIR DANS LE VELO, IL EST IMPERATIF DE BIEN CHOISIR SES PARENTS » CYRIL GUIMARD

 

Enfin, renversons l’autel de la volonté compensatrice du peu de talent ! Là encore, de nombreuses études récentes montrent que cette caractéristique est également dépendante de notre ADN … Le remarquable ouvrage « le Gène du sport » prend soins d’étayer et d’illustrer cette notion ! Retenons une belle étude. Une souris coure en moyenne 4 kilomètres dans sa roue chaque nuit. Si on multiplie entre elles celles qui font plus et celles qui font moins, après 10 générations, les premières parcourent 11 kilomètres et les secondes trottinent 3 tours et vont manger !

 

MEME LA VOLONTE EST GENETIQUE !

 

L’envie de bouger, de courir, de pédaler, de nager, de crapahuter en montagne est fortement génétique … comme le désir de regarder Netflix effondré sur le canapé en dévorant une pizza 4 fromages …  Bref, si vous souhaitiez vous alléger du poids d’une génétique physiologique médiocre à force de courage, il faudra aussi demander à vos parents …

 

 

L’épigénétique tire de toutes ses forces !

 

L’épigénétique, c’est la régulation de l’expression des gènes. Elle dépend des modifications de notre ADN à l’approche de la portion codante, stimulant ou inhibant sa réplication et la synthèse de la protéine correspondante. Bien sûr, l’entrainement influence notre épigénétique mais la recherche a montré que nos parents nous transmettent aussi une part non négligeable de ces réglages. Ainsi, si papa et maman étaient sportifs au moment de votre conception, ils vous ont légué des gènes activés. Vous serez un peu plus doué dès le début !

 

LA PRATIQUE DE VOS PARENTS, LES OPPORTUNITES SPORTIVES DE VOTRE ENFANCE REGULENT VOS GENES

 

Cette culture sportive familiale s’intègre aussi à notre environnement pendant l’enfance, à un moment où notre ADN est plus modulable. On parle de « fenêtre épigénétique ». Ainsi, le sport pratiqué pendant la croissance module puissamment et durablement l’expression des gènes impliqués dans la performance. De fait, l’épigénétique mêle subtilement des notions de génétique et d’environnement indépendantes de notre pratique à l’âge adulte.

 

L’environnement vous encercle !

 

Votre culture sportive, au sens propre du terme, l’endroit où vous avez poussé, exerce une influence considérable sur vos prestations sportives. Vous l’avez compris votre ADN régule préférentiellement son expression pendant votre enfance. Son influence est alors énergétique, cardiovasculaire … mais aussi cognitive enseignant la tolérance à la pénibilité … ou encore émotionnelle ajustant la confiance en soi et l’aptitude à entreprendre des projets ambitieux.

 

L’ENFANCE : UNE FENETRE DE NEUROPLASTICITE POUR ACQUERIR LA TECHNIQUE

 

L’enfance, c’est aussi la principale période de la neuroplasticité.  Du cerveau immature ne sachant ni marcher, ni parler, au système nerveux central maitrisant le swing au golf et trois langues, des milliards de connections neuronales se sont établies. Ces jonctions cellulaires se sont construites au fil des opportunités culturelles, techniques et pédagogiques. En leur absence, votre encéphale rate la meilleure fenêtre d’adaptation tissulaire. A 40 ans, il est difficile d’apprendre l’anglais ou le mandarin, Il est particulièrement laborieux d’acquérir un mouvement de crawl parfait ! Bref, sans des cours de natation, de ski ou d’équitation alors que vous étiez gamin, vos qualités gestuelles à l’âge adulte dans ces disciplines resteront quelconques …


L’ENFANCE : UNE PERIODE CLE POUR VOTRE MORPHOLOGIE ET VOS HABITUDES ALIMENTAIRES

 

De surcroît, les cellules adipeuses, elles aussi se multiplient plus aisément pendant l’enfance. Plus tard, elles garderont toujours un stock minimum de graisse. Bref, un loupiot potelé aura toutes les peines du monde à devenir un adulte affûté ! Sans compter que l’école du goût est également dépendante de l’épigénétique et de la plasticité neuronale. Si vos parents ont utilisés un biberon d’eau sucré pour vous apaiser, s’il vous ont laissé devant un écran avec des chips, s’ils ont choisi pour vous le « menu enfant », celui avec les nuggets, les frites, la glace et le sirop … votre transition vers les aliments bruts risque d’être laborieuse !  Enfin, l’activité physique pendant le croissance osseuse moule les surfaces articulaires. La rotule s’emboite mieux dans le genou et la tête du fémur épouse plus harmonieusement la forme du bassin. Les articulations sont plus stables. Sans ces contraintes mécaniques dosées et adaptatrices, vos articulations d’adultes plus fragiles. Entorses et frottements délétères menacent, la blessure guette ! 

 

 L’économie est riche de conséquences

 

Vous l’avez compris, les opportunités sportives et les conditions nutritionnelles de l’enfance s’avèrent déterminantes.  Le contexte financier exerce ses effets précocement ! A l’âge adulte, le temps et l’énergie dévolus à l’entraînement aussi ! Les métiers très physiques, les horaires extensifs, nocturnes ou irréguliers ne favorisent guère un programme d’entraînement bien construit intégrant des plages de récupération efficace.

 

LE TEMPS ET L’ENERGIE DISPONIBLES POUR FAIRE DU SPORT : UN PARAMETRE SOCIO ECONOMIQUE

 

LA QUALITE DU MATERIEL : ENCORE UNE QUESTION D’ARGENT !

 

L’impossibilité financière de déléguer la logistique du quotidien, ménage, bricolage, jardinage empiète également sur le temps et l’ardeur à consacrer au sport. Enfin, les moyens pécuniaires participent directement à l’acquisition d’équipement haut de gamme favorisant la performance : chaussures, vélo, combinaison néoprène, raquette, skis … sans parler du cheval de concours hippique ! Le prix des dossards peut même se montrer dissuasif et freiner l’accès à la compétition source de motivation et d’expériences bénéfiques à la progression. Un triathlète équipé d’un CLM à 5000 euros a toutes les chances de doubler celui juché sur un VTC à 300 !

 

Puisque le sport est foncièrement injuste …

 

Dans ce contexte compétitif totalement dépourvu d’équité, la médecine du sport bienveillante a son mot à dire ! Si vous n’avez pas tiré les bons numéros à la grande loterie de la vie, prenez du recul face aux résultats, aux scores et aux chronos ! Avec l’âge qui avance … une autre discrimination qui vous éloigne inexorablement de la tête du peloton … pourquoi ne pas faire le deuil de la performance !

 

LE SPORT SANTE, LOISIR, PLAISIR EST ACCESSIBLE A TOUS  

 

Optez pour une pratique loisir et plaisir ! Associée à l’assiduité, la régularité et la continuité, elle constitue un bon chemin vers la santé ! Bien-être émotionnel, préservation articulaire, entretien cardiovasculaire et métabolique s’associent, histoire de faire du sport jusqu’à 112 ans …

 
 
 

Comentários


bottom of page