Par le docteur Stéphane CASCUA,
Sylvain a 36 ans. Il fait du triathlon à bon niveau. En janvier, il est parti aux sports d’hiver avec une bande de copains. Il avait prévu de s’entraîner exclusivement en ski de fond pour peaufiner son endurance … mais ses amis ont fait le forcing pour qu’il pratique la descente un jour sur deux. Malheureusement, ce qu’il craignait arriva : une plaque de verglas, des spatules qui se croisent et une entorse du ligament croisé antérieur ! Il vient me voir 3 jours après son retour sur une place d’urgence. Il porte une grande genouillère rigide en extension et il a déjà fait son une IRM qui confirme le diagnostic.
Sylvain : C’est la galère ! J’avais prévu deux IRONMAN cet été. Après l’opération, je ne pourrais pas m’entraîner et je vais gâcher ma saison !
Le Doc : Sylvain, j’ai une bonne nouvelle ! Sur votre IRM, je vois que votre ligament croisé antérieur est déchiqueté et flou mais encore oblique et continu ! Il n’est pas tombé et les portions ligamentaires sont encore très proches l’une de l’autre. Votre tibia est bien à a vertical de votre fémur, il n’a pas avancé, il n’a pas tourné. Votre ligament croisé a une longueur normale.
Sylvain : Pourtant, le radiologue mentionne « rupture complète »
Le Doc : Les radiologues ont l’habitude d’attribuer à ses images ce type de diagnostic car la dogme en vigueur assure que ses entorses ne cicatrisent pas et qu’il faut les opérer systématiquement … Cette notion classique vient du fait que le croisé est différent des ligaments latéraux. Ces derniers constituent les renforts du sac qui enveloppe l’articulation. De fait, on peut comparer une entorse à ce niveau à un trou dans une sac. Les tissus restent proches les uns des autres.
RUPTURE COMPLETE : UN DIAGNOSTIC SOUVENT EXCESSIF
Le saignement et la croute permettent de faire la jonction et initient la réparation naturelle. A l’inverse, le ligament croisé est seul avec son jumeau, le croisé postérieur, au milieu genou. Ils sont tendus à la manière de haubans. Lorsque l’un d’eux se déchire, il est d’usage de penser qu’il tombe comme une corde rompue et que les deux extrémités s’éloignent inexorablement rendant impossible toute cicatrisation.
Sylvain : Et la réalité est différente ?
Le Doc : En fait, le ligament est souvent distendu à la manière d’un chewing-gum mais la continuité subsiste. Les fibres restantes peuvent alors servir de tuteurs et guider la reconstitution du ligament. D’autant que dans ce fracas des vaisseaux se sont déchirés et du sang a envahi l’articulation. Il va coaguler et le magmas va offrir un soutien au ligament abîmé. D’ailleurs, la doxa de l’indication chirurgicale s’appuie sur des recherches au cours desquelles les chirurgiens exploraient les genoux.
FRÉQUEMMENT LE CROISÉ PEUT CICATRISER
Dans un premier temps, ils allaient confirmer de visu la rupture du croisé en nettoyant bien l’intérieur du genou. Ils y retournaient 3 mois plus tard pour constater que le ligament n’était pas du tout cicatrisé et même couché sur la surface du tibia ! Ils pensaient pouvoir affirmer que les ligaments croisés ne cicatrisaient pas et qu’il fallait les réparer ! Au passage, ils oubliaient qu’ils avaient violemment karcherisé ce que la nature avait englué …
Sylvain : En effet, j’imagine que l’évolution a sélectionné un système de cicatrisation. Au paléolithique, pas d’opération ! En cas d’entorse, après un peu de repos, les hommes préhistoriques devaient reprendre progressivement la chasse. Ceux dont le genou ne guérissait pas et restait instable étaient dévorés par les ours … Bref, la sélection naturelle !
Le Doc : C’est vrai ! D’ailleurs, les études récentes fondées sur les IRM mentionnent que 25 à 30% de ces blessures guérissent spontanément … et on peut même aider la nature à faire beaucoup mieux grâce au PRP que je vous propose !
Sylvain : PRP ?
Le Doc : PRP comme Plasma Riche en Plaquettes ! Une DRH m’a interpelé face à cet acronyme et m’a indiqué : « Dans nos services, PRP signifie Plan de Retour à la Performance ! ». Je me suis empressé de lui rétorqué que pour nous l’idée était la même 😊 ! En pratique, un radiologue ou un chirurgien vous fait une prise de sang, centrifuge le prélèvement et prélève la hauteur correspondant à vos plaquettes. Vous le savez, ces petites cellules s’agglutinent sur les plaies, bouchent les trous et rapprochent les tissus. Elles attirent aussi les cellules souches, les cellules de notre corps qui savent tout faire. En se fixant à un endroit, elles parviennent à reconstituer spécifiquement la structure qui l’accueil.
PRP : UNE INJECTION DE PLAQUETTES POUR FAIRE RECOLLER LE CROISÉ
Dans les minutes qui suivent, sous échographie, votre thérapeute vous réinjecte un gros volume de plaquettes qui remplissent votre genou, entourent le ligament fragile et contribuent à recoller efficacement les filaments. quatre à douze semaines plus tard, je propose souvent une nouvelle injection que l’on peut faire genou fléchi directement dans le milieu du genou. Ainsi, on peut faire parfaitement dégouliner les plaquettes sur le croisé pour le renforcer encore plus. Ainsi, si on obtient la cicatrisation, vous bénéficiez de votre ligament naturel. Il contient alors tous ses capteurs neurologiques pour vous informer de la positon de votre genou. Il est traversé de tous ses vaisseaux sanguins aptes à l’oxygéner et à la nourrir. On est loin du transplant chirurgical : un morceau de tendon fibreux coupé dans les tissus voisins sans connexion nerveuse ou vasculaire.
Sylvain : Il y a immobilisation ?
Le Doc : Oui ! C’est la seule contrainte : le port permanent d’une genouillère articulée spécifiquement conçue pour les croisés. Vous la portez 24 heures sur 24, vous la desserrez la nuit. Ainsi équipé, vos vies sociale et professionnelle sont normales ! Je prescris la SOFTEC de chez BAUERFEIND. Elle est très confortable, pourvue d’un tissu élastique de tricot agréable. On peut la mettre sous un pantalon. Ses velcros reculent le tibia et avancent le fémur. Cet effet came évite la distension insidieuse du croisé au cours de la cicatrisation. Associés aux baleines latérales, votre genouillère évite rotations et bascules de l’articulation.
GENOUILLERE CONFORTABLE 24/24 4 MOIS. 6 MOIS POUR LE SPORT
Pas de micro tiraillements et encore moins d’entorse. Les mouvements de flexion et d’extension dans l’axe sont permis et même encouragés ! Ces gestes permettent un apport sanguins à l’articulation source d’oxygénation et de nutrition du croisé convalescent. Les contraintes mécaniques modérées suffisent à guider l’orientation des fibres ligamentaires. Seuls les accroupissements et les agenouillements sont interdits. Ces postures en charge tirent trop sur le ligament croisé.
Sylvain : On peut donc faire du sport pendant le traitement !
Le Doc : Et comment ! Ce n’est pas juste autorisé, c’est obligatoire ! La prise en charge de l’entorse du ligament croisé par PRP inclut vrai stage de cardio et de renfo ! Voilà qui constitue une authentique préparation physique généralisée à de nombreux sports avec lesquels vous pourrez renouer. Une salle de fitness est le terrain de jeu idéale pour ces activités.
CARDIOTRAINING, TOUT DE SUITE
Stepper, elliptique puis vélo et rameur initient votre programme en fonction de la récupération de la flexion. La marche en cote sur tapis est aussi conseillé. Pour la course et ses secousses, il faut attendre environ 6 semaines et l’IRM de contrôle qui confirme que le ligament est resté oblique et tendu.
Sylvain : Vous me parlez aussi de musculation …
Le Doc : Bien-sûr ! La presse sur une jambe reproduit le geste de toutes les propulsions ! Le genou est très stable au cours de cet exercice car les muscles de l’avant et l’arrière de la cuisse travaillent simultanément, on parle de cocontraction. Les machines à ischiojambiers sont vivement recommandées. En effet, ces muscles sont magiques pour la protection du ligament croisé. De profil, ils tirent le tibia en arrière. De face, ils limitent les bascules du genou et de la jambe comme les haubans d’un navire.
MUSCULATION : TOUT DE SUITE !
SURTOUT PRESSE ET ISCHIO
A l’horizontale, ils contrôlent les rotations à la manière des rênes d’un cheval. Il faut proscrire la leg extension qui travaille isolément le quadriceps mais dont le contre appui subluxe le haut du tibia vers l’avant et tire sur ce pauvre croisé delà mal en point. On verra plus tard, vers 4 mois, pour le booter si nécessaire ! Mais souvent le cardio et le mouvement naturel de la presse suffisent à le faire progresser efficacement. Afin d’optimiser la participation de votre quadriceps, il est possible de vous concentrer sur votre demande de contraction alors que vous effectuez un mouvement plus global, plus fonctionnel, plus naturel. On parle de « conscientisation » ! Ça marche bien ! En début de protocole, il est conseillé d’adapter toutes les structures tissulaires du genou avec des charges légères quitte à augmenter le nombre de répétitions jusqu’à 30 ou 40.
Sylvain : Pour moi qui suis triathlète, je peux courir et pédaler dehors ?
Le Doc : Bien-sûr ! Pour le vélo, vous validez un pédalage fluide sur home trainer. Quelques jours plus tard, vous reprenez vos sorties ! Attention, néanmoins ! Pas de pédale automatique ! Le mécanisme de déchaussage impose trop de sollicitation en rotation à votre croisé encore fragile. Les cales pieds sont aussi trop contraignants notamment en cas de chute. Pédales plates ou coques sont recommandées à l’extérieur. Evitez le VTT et le vélo taf en ville avec ses appuis aléatoires pour s’arrêter ou redémarrer. Recommencez sereinement sur petites routes à la campagnes.
VÉLO SANS PÉDALE AUTO ET SUR ROUTES TRANQUILLES : TOUT DE SUITE
Sur home-trainer, il est possible de travailler la qualité du geste en gardant les pédales automatiques. La petite astuce consiste à descendre en enlevant la chaussure encore fixée. Dans ces conditions insister sur la rondeur du pédalage et la flexion active de genou permet d’entraîner les ischiojambiers.
Sylvain : Et la natation ?
Le Doc : Vous pouvez reprendre à 6 semaines. Exceptionnellement, vous avez le droit de retirer la genouillère 😊 ! Mais seulement au bord du bassin ! Il y a trop de glissades intempestives dans les vestiaires mouillés ! Commencez avec un pull boy avant de secouer un peu le genou avec les battements du crawl. Pas de brasse avant 3 mois ! Pour vous qui faites un sport dans l’axe, vous allez affûtez votre forme de triathlète.
CRAWL A 6 SEMAINES
Vous serez prêt pour vos IRONMAN de cet été sans souci ! Et, en plus, vous aurez réalisé une belle prépa physique généralisée idéale pour encaisser la charge de travail de votre saison de compétition et réduire le risque de blessure ! D’ailleurs, parmi mes patients victimes de cette blessure, j’ai eu la chance de chouchouter avec le même protocole une Cross-Fiteuse de bon niveau. Inutile de vous dire que renfo et cardio dans l’axe faisaient partis de son quotidien ! Alors qu’elle portait encore sa genouillère, elle a fait une bonne place au championnat de France !
Sylvain : Et je dois faire des exercices de rééducation ?
Le Doc : Avant tout, votre pratique sportive assidue fait office de rééducation. Vous gardez et même vous améliorez votre force et votre endurance dans les disciplines qui vous tiennent à cœur. Concernant l’équilibre articulaire, votre vie quotidienne normale avec la genouillère travaille spontanément votre coordination.
VOTRE KINÉ : LA VIE QUOTIDIENNE ET LE SPORT !
Je vous proposerai également quelques exercices d’autorééducation sur ballon ou en équilibre sur un pied de difficulté progressivement croissante … et toujours avec votre genouillère. Avec le protocole PRP, on est loin de la sidération musculaire telle qu’il en existe en l’absence d’appui ou même avec une attelle rigide. D’ailleurs, votre orthèse articulée n’altère pas les mécanismes proprioceptifs. Au contraire chaque information cutanée peaufine vos réflexes.
Sylvain : J’aime aussi le trail. Quand pourrai-je à nouveau pratiquer en montagne ?
Le Doc : A 4 mois de leur entorse du LCA, mes traileurs blessés trottinent progressivement sur terrain irrégulier. A 5 mois, ils courent en montagne … avec leur genouillère ! Voilà une bonne rééducation proprioceptive progressive et en toute sécurité. Et, à 6 mois, ils s’engagent dans les pentes … sans genouillère !
TRAIL PROGRESSIF A 4 MOIS
Souvent, ils me remercient de leur avoir fait découvrir et apprécier la préparation physique en salle. Ils continuent à l’utiliser pour sa « spécificité croisée » : tapis en pente, stepper, escalator pour monter sans s’arrêter … mais aussi Ski Erg et elliptique pour le travail avec bâtons … sans parler de la musculation en freinage pour mieux tolérer les descentes.
Sylvain : Alors, pas de kiné ?
Le Doc : En toute honnêteté pour l’instant, j’évite ! Actuellement, les kinésithérapeutes ne connaissent pas suffisamment ce protocole. Ils confondent ce programme avec un traitement dit fonctionnel au cours duquel on ne cherche pas la cicatrisation du ligament mais uniquement la compensation de son absence grâce à de la force et de la coordination. Alors, ils font enlever la genouillère et demandent d’emblée des exercices d’équilibre contraignants. Le malheureux croisé abîmé subit alors de telles contraintes qu’il termine de se déchiqueter.
UN PEU D’AUTO RÉEDUCATION POUR L’ÉQUILIBRE
Inévitablement, il finit par tomber … Les extrémités ne sont plus en contact. La cicatrisation devient impossible. Ces initiatives malencontreuses furent à l’origine de quelques échecs ! Vous et moi, nous revendiquons la cicatrisation du croisé ! Alors, désormais, je prescris du sport ! En salle puis à l’extérieur, parfois coaché par quelques kinés experts de mon réseau qui possèdent des bons équipements et ont compris l’efficacité du concept.
J’ai accompagné Sylvain pendant 6 mois. Il adhéré à la stratégie. Il a conservé sa genouillère 4 mois dans la vie quotidienne et 6 mois pour le sport. Pendant, tout ce temps il a vécu sa vie normalement, sans douleur particulière, sans limitation articulaire. Il a fait du cardiotraining en salle, de la musculation, du vélo à l’extérieur puis de la natation et de la course. Il a approfondi ses méthodes d’entraînement en salle. Il y trouve désormais un véritable plaisir grâce à des exercices finalement spécifiques et ludiques.
A 6 MOIS,
IRM : NORMALE
TEST DE TRACTION : NORMAL
SPORT :
Sur appareils, il a multiplié les mini triathlons. Il a aussi enchaîné des exercices de musculation très utile pour sa discipline. Il a effectué une formidable préparation physique ! Il me dit qu’il se sent très en forme pour aborder sa saison de triathlon ! Au terme de notre travail d’équipe, son IRM de contrôle met en évidence un ligament croisé parfait ! Il est épais et bien orienté. L’examen en traction évaluant sa longueur et sa solidité a été prescrit. Ce test appelé GNRB montre un comportement mécanique identique à celui du genou sain, coté opposé. Il va pouvoir reprendre tous les sports qui lui tiennent à cœur … notamment le trail … mais je crois qu’il est un peu fâché avec le ski ! Avec une opération, il aurait dû attendre 10 mois ! Même en termes de délais, la nature aidée des PRP aura fait mieux que la chirurgie !
EN BREF : CROISÉ ANTÉRIEUR TRAITÉ PAR PRP
Indication : Ligament croisé antérieur déchiqueté mais encore bien orienté. Sport de prédilection sans pivot, ni contact idéalement. Il peut retrouver sa liberté et pratiquer ses sport de prédilection sans genouillère !
Protocole de sécurisation : Genouillère spécifique de tricot élastique confortable logeable sous un pantalon 24 / 24, 4 mois dans la vie quotidienne, 6 mois pendant le sport.
Protocole thérapeutique : 3 injections de plaquettes à 2, 4 et 6 semaines post traumatiques.
Protocole sportif : Cardiotraining et musculation progressifs dès le début. Vers 6 semaines, natation et course à pied. Vers 4 mois, trail avec genouillère. De J0 à J5 du PRP pas de sport avec le genou. De J5 à J10, vélo et elliptique. A J10 reprise du programme dans sa globalité.
Protocole de surveillance : IRM à 6 semaines. Si le ligament est couché, on renonce au traitement par PRP et on propose la chirurgie. Si le ligament est en place, trottinement et crawl. IRM à 3 mois et à 6 mois. Test de traction (GNRB) à 6 mois avant de tout reprendre sans genouillère !
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