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J’AI PEUR QUE ÇA S’AGGRAVE !

Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport

Rédacteur en chef de www.docdusport.com

 

Laurent a 52 ans. Il fait du trail assidument. Il a validé 60 kilomètres dans les Alpes. Il vient me voir pour une douleur dans la fesse qui descend dans la cuisse. Le diagnostic a été fait, étayé d’une IRM. Il s’agit d’une tendinite des ischiojambiers au point d’accrochage sur le bassin. Le traitement entrepris : repos et rééducation. Laurent est très ennuyé, il adore le sport ! Et ça n’avance pas !  




 

Le doc : Vous avez complètement arrêté de courir ?

 

Laurent : Oui ! On m’a dit que c’était nécessaire à la cicatrisation … alors à la moindre foulée j’ai peur que ça s’aggrave.

 

Le Doc : A l’occasion de votre dernier footing, quelles étaient vos sensations ? Vous aviez mal … dès le début ? … ça passait avec l’échauffement ou ça augmentait au fil des kilomètres ? … et après la sortie ?

 

Laurent : Je souffrait un peu en commençant puis ça diminuait. Je sentais une petite gène qui s’accentuait dans les côtes … Après, comme d’habitude, j’avais une douleur en position assise …notamment en voiture.

 

Le Doc : Classique ! Vous boitiez ?

 

Laurent : Non pas du tout ! J’étais symétrique dans mes appuis et mes partenaires de running ne m’ont fait aucune remarque.

 

Le Doc : Et en kiné ? Vous avez mal ?

 

Laurent : Ah ça oui ! Les ondes de choc ! Les étirements ! les exercices excentrique avec freinage de la flexion de buste !  Ça tire !  Mon kiné m’a dit que c’était pour assouplir puis aligner les fibres du tendons.

 

Le Doc : Alors tout va bien ! Nous allons juste redonner un peu de liant … voire de cohérence à votre prise en charge ! On y ajoutera même une dose de plaisir ! Notre discussion, les tests médicaux et l’IRM mettent en évidence une cicatrice épaisse et fibreuse avec de petites fissures. C’est vrai qu’il faut la mécaniser sans la déchirer … tout en douceur ! Tout est une question de curseur ! Dans ce contexte, il arrive que les protocoles de rééducation soient trop énergiques car validés sur de jeunes sportifs … le genre sauteur de haie ou footballeur, etc. A 52 ans, le tissus sont différents … et plus fragiles. De surcroît, inutile de vous préparer aux sprints et au démarrages. Votre objectif : trottiner dans la montagne !

 

Laurent : je crois deviner ! La course à pied peut constituer le bon dosage rééducatif !

 

Le Doc : Vous avez tout compris ! La douleur n’est pas contre-indiquée puisque on vous l’impose en kinésithérapie … Peut-être un peu trop ! Les ischios ressemblent plutôt à un hamac fin et fragile. Rien à voir avec la gros câble du tendon d’Achille autour duquel on échafaudé le fameux protocole de Stanish qui associe étirements et freinage.  En revanche, en trottinant, il est possible de proposer des contraintes tissulaires plus spécifiques, plus bienveillantes, plus mécanisantes … et moins « lèsantes ». 

 

Laurent : Alors, je peux courir ?

 

Le Doc : Oui bien-sûr ! J’ai été victime de la même blessure que vous ! J’en ai déduit un petit élément de langage : « J’aurai respecté ma douleur en course à pied, je serai resté cycliste ». La course à pied reste la meilleure rééducation à la course à pied. Tout est une question de modalité et de dosage. En pratique, je vous suggère de continuer à trottiner pour entraîner en douceur votre ischio, garder la gestuelle et préserver le conditionnement des autres tissus !

 

LA COURSE A PIED :  LA MEILLEURE REEDUCATION A LA COURSE A PIED

… EN DOSANT LES MODALITES, LA DUREE ET L’INTENSITE

 

Il ne manquerait plus que vous fassiez une périostite ou une fracture de fatigue à la reprise … On va commencer en restant raisonnable. Pas de relief, vitesse trail long et durée progressive : 30 minutes et vous ajoutez 10 minutes à chaque sortie. Pas de fractionné et encore moins de sprint pour ne pas rater votre train ! Ça c’est dangereux, vous pouvez déchirer tout ou partie de votre tendon !

 

Laurent : Voilà qui reste léger pour garder la forme !

 

Le Doc : Ne vous inquiétez pas ! Nous allons dissocier les contraintes. Dans les activités imposant ni freinage, ni tension des ischios, nous allons pouvoir mettre de l’intensité et prolonger les séances. En pratique, vous allez faire prendre l’air à votre vélo. Je crois que vous avez un VTT. Vous pouvez partir pour de longues virées sans scrupule. Vous allez préserver la caisse cardiovasculaire et améliorer la combustion de vos graisses. A la salle, je vous invite à pédaler à toutes les intensités. Programmez les mêmes fractionnés qu’en course à pied.

 

VELO ET CARDIOTRAINING INDOLORE POUR L’INTENSITE ET LA DUREE

 

N’hésitez pas à faire du 30 30 en danseuse pour mimer le mouvement du crapahut dans les côtes. Essayez les cours collectifs de Spinning en musique type RPM ou Dynamo.  L’elliptique est aussi bien adapté. Vous y engagez les bras comme si vous utilisiez des bâtons. Attention aux escaliers dont le pas de marche est peut-être trop haut pour le confort des ischios. En revanche, la marche sur tapis en pente très progressivement croissante rééduque en douceur vos tendons … et vous ramène à une spécificité gestuelle.

 

Laurent : Ça, c’est un bon programme ! Mais ce concept est-il réservé aux ischios ou peut-il se décliner pour d’autres blessures ?

 

Le Doc : Excellente question ! Cette notion est valable pour l’immense majorité des blessures. Les muscles, les ligaments, les tendons et même les os bénéficient d’une mécanisation douce qui oriente le cicatrice dans l’axe des contraintes. Pour le cartilage aussi, un mouvement bien adapté permet de lisser les surfaces et d’oxygéner les cellules. Au-delà de l’entretien physique qui ne reproduit pas les contraintes lésionnelles, la poursuite de l’activité spécifique correctement dosée en modalité, en intensité et en durée peut faire partie intégrante d’une stratégie thérapeutique pertinente. Aucun souci en cas de gène disparaissant à l’échauffement.

 

ARRET COMPLET  = DECONDITIONNEMENT LOCOMOTEUR  = SPIRALE DE LA BLESSURE

 

Fréquemment, une petite douleur est autorisée si elle n’entraîne ni boiterie, ni modification du geste ! Laissez-vous guider par votre médecin du sport. En revanche, une rééducation trop engagée … un soupçon commando … peut dépasser le seuil de tolérance de la cicatrice et abimer le tissu. Prudence ! En pratique, continuer en douceur son activité contribue souvent à la guérison, sans oublier qu’elle entretient votre coordination et l’ensemble de votre appareil locomoteur vous évitant ainsi de tomber dans la spirale des blessures de déconditionnement ! Bref, « ça n’aggrave pas » ! Bien au contraire !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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