La viande rouge n’a pas bonne réputation chez les coureurs de fond et les sportifs. Pourtant, elle recèle bien des qualités ! Plaidoyer pour une savoureuse réconciliation !
Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport,
Vous avez tendance à éviter la viande rouge. Elle serait acide et perturberait la récupération. Si ces arguments sont recevables, ils méritent d’être moduler et mis en balance avec les avantages nutritionnels de cet aliment. Alors, est-il possible de s’abandonner parfois au plaisir d’un tartare ?
Le coureur de fond brise ses muscles
Quand vous courez, vous amortissez chaque réception de foulée. L’articulation se fléchit. Les tendons et les membranes musculaires suivent le mouvement. Les fibres musculaires tirent dans l’autre sens pour freiner puis relancer le geste. A la jonction, il se produit des microdéchirures. Quand elles sont trop importantes vous les percevez, ce sont les courbatures. Même en l’absence de douleur, il est indispensable de reconstruire vos muscles pour encaisser aisément votre prochaine sortie. Les études montrent qu’un marathonien en phase d’entraînement intensif doit ingérer autant de protéines qu’un sportif pratiquant assidûment la musculation, soit 2 fois plus qu’un sédentaire !
LE MARATHONIEN DOIT MANGER AUTANT DE PROTÉINES QU’UN BODY-BUILDER
Cette notion ne doit pas vous surprendre. Compte tenu de l’accroissement de sa dépense énergétique quotidienne, le marathonien doit manger plus ! Et pas seulement des pâtes ! (voir l’article « Faut-il encore manger des pâtes ? » dans SANTESPOTMAG numéro 3) Son corps hyperactif a besoin de tout ! Augmenter sa ration de protéines est incontournable pour conserver une alimentation équilibrée !
La destruction des protéines s’aggrave pendant l’effort si elles contribuent à fournir de l’énergie. Ainsi, un apport suffisant en féculent et l’ingestion d’une boisson de l’effort légèrement sucrée pendant l’exercice contribuent à limiter la casse musculaire ! Encore un bon argument pour intégrer l’apport de viande à une stratégie nutritionnelle cohérente et globale.
Le coureur a besoin de protéines de qualité !
On peut comparer les protéines à de grands édifices, véritables usines chimiques. Elles sont construites à partir de 20 acides aminés différents. Chacun rempli son rôle à la manière des matériaux de bases utilisés dans le bâtiment : pierres, tuiles, poutre, etc. S’il en manque un seul, la bâtisse reste inachevée et inutilisable !
Le coureur de fond doit ingérer des protéines de qualité, aptes à reconstruire ses muscles endommagés. Dans les aliments d’origine végétale, de nombreux acides aminés sont insuffisamment présents. En revanche, la viande mais aussi les produits laitiers et les œufs contiennent tous les éléments nécessaires !
LA VIANDE CONTIENT TOUS LES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES A LA RECONSTRUCTION DES MUSCLES ENDOMMAGES
Au-delà des données scientifiques, votre bon sens vous aurait guidé. Manger du muscle apporte les éléments nécessaires pour réparer les muscles !
Du fer pour l’Ironman.
La viande rouge est une source essentielle de fer. Elle est rouge comme le sang car tous les deux sont riches en fer. Dans le muscle, le fer fixe et stocke de l’oxygène. Cette réserve est utile en début d’effort pour commencer à brûler de l’énergie avant l’ouverture des vaisseaux. Dans le sang, le fer contenu dans les globules rouges permet le transport de l’oxygène des poumons jusqu’au muscle en action. Vous comprenez pourquoi la moindre carence altère la performance du sportif d’endurance !
Le coureur perd beaucoup de fer
Les globules rouges du coureur sont perpétuellement abîmés. Ils sont écrasés dans sa voûte plantaire. Ils sont déchiquetés en se faufilant à toute allure dans les tous petits vaisseaux traversant les muscles. Le fer libéré est perdu dans les urines. Le tube digestif et la vessie du marathonien sont secoués à chaque foulée. Là encore des micro- saignements répétitifs aggravent la perte de fer ! La situation est encore plus critique chez la coureuse de fond car les règles peuvent provoquer un épuisement rapide des réserves de fer.
Le fer de la viande, c’est le meilleur !
Dans le sang comme dans la viande, le fer est entouré d’une carcasse chimique, l’hème. Dans le premier, l’ensemble constitue la fameuse «hémoglobine», dans le second la «myoglobine». Cette construction spécifique signe la nature animale du fer et favorise tout particulièrement son absorption digestive. Le fer présent dans les végétaux ne bénéficie pas de ce privilège. Isolé, il est plus facilement «oxydé» dans le tube digestif, il rouille et devient inexploitable. Il est emprisonné dans le squelette fibreux des plantes, la cellulose, et parvient plus difficilement au contact de la paroi de l’intestin.
La viande, n’abusez pas !
Attention à votre foie et à vos reins
Quand l’apport en protéines est plus important que les besoins, les acides aminés sont transformés en sucre ou en graisse. Cette réaction chimique accroît le travail du foie et provoque la formation d’urée. Cette dernière doit être éliminée par le rein. Sa dilution réclame un grand volume d’urine. Il faut boire abondamment. Mais ingérer de l’eau en grande quantité ne suffit pas à limiter l’agressivité du processus. Pour certains scientifiques, l’accroissement du débit et de la pression dans les tubes microscopiques du rein peut endommager cet organe. Bien que les études récentes ne valident pas cette hypothèse, la prudence reste de mise.
Attention à votre colon.
Les études corrèlent une importante consommation de viande et une plus forte probabilité de cancer du côlon ou du rectum. A l’inverse, les fibres alimentaires sont protectrices, probablement en accélérant le transit et en éloignant les substances cancérigènes de la paroi digestive. Encore une bonne raison pour associer viande et légumes dans le cadre d’une alimentation diversifiée !
Attention à vos tendons et à vos os
Comme leur nom l’indique les acides aminés sont acides ! Ce climat chimique ne contribue pas à la récupération. Il favorise le délitement de l’os et la cristallisation de l’acide urique. Ce dernier, très présent dans la viande rouge, est normalement dilué dans le sang. En milieu acide, il forme de petits spicules qui peuvent léser les fibres tendineuses ou les membranes articulaires. Les eaux gazeuses bicarbonatées et surtout les fruits et les légumes contribuent à neutraliser l’acidité de la viande.
Attention aux graisses cachées
Bon nombre de viandes sont grasses. Les points et les traînées blanchâtres visibles sur les morceaux crus en sont la preuve. Limitez l’entrecôte, enlevez le gras apparent. Préférez un rumsteck. Optez pour des garnitures pauvres en graisses. Cette fois, le traditionnel « steak frites » n’est pas une bonne idée. Choisissez des haricots verts !
La viande rouge, en pratique, pour le sportif.
La viande rouge ne doit pas être exclue du menu des coureurs et des sportifs. Trois à Quatre morceaux par semaine sont conseillés pour entretenir les muscles et fournir le fer nécessaire au transport de l’oxygène. Préférez les morceaux maigres et pourquoi pas «Bio». Faites les griller sans trop de matière grasse et enlevez les graisses visibles. La garniture idéale est une belle ration de légumes et un peu de féculent. Le dessert de ce repas carné ressemble à une salade de fruit ou à une compote. La viande rouge, ce n’est pas que le «steak grillé» ! Les viandes mijotées comme le bourguignon ou le pot au feu sont les bienvenues. Le foie et le boudin apportent aussi beaucoup de fer. Vous l’avez compris, la viande rouge a sa place dans une alimentation savoureuse et variée !
LE CORPS DU COUREUR RECLAME DES PROTEINES
Deux études vont dans ce sens. La première observe le comportement de sportifs face à un buffet. Peu de temps après l’effort, leurs choix s’orientent naturellement vers des plats riches en protéines. Tout se passe comme si leurs organismes souhaitaient rapidement reconstruire les muscles malmenés. La seconde relate l’alimentation spontanée d’ultra-marathoniens traversant l’Europe. Sur les premières étapes, les concurrents se plient à la « culture sportive » ; ils mangent beaucoup de pâtes avec un peu de viande blanche. Au fil des jours, ils augmentent leur apport en protéines. Ils ont envie de plus en plus de viande rouge ! Ils terminent l’épreuve en avalant du gibier !
CHOISISSEZ VOTRE ACCOMPAGNEMENT
D’autres aliments vous aident à éviter la carence en fer. Ils font équipe avec la viande rouge. Les fruits, les légumes, riches en antioxydants évitent que le fer ne «rouille» dans votre tube digestif. Il conserve une forme chimique utilisable par l’organisme. Certains végétaux comme les lentilles renferment beaucoup de fer. Son absorption est amplement favorisée en présence de la carcasse carbonée, l’hème, d’origine animal. Pour ces deux raisons, les associations type «pot au feu» ou «petit salé aux lentilles» consacrées par le bon goût et la tradition culinaire se révèlent d’une grande efficacité nutritionnelle. Les poissons gras (thon, saumon, maquereau, sardine, hareng) et l’huile de colza contiennent beaucoup d’acides gras oméga 3. Ils contribuent à préserver la souplesse de la membrane des globules rouges. Ainsi, ces derniers se brisent moins en glissant dans les petits vaisseaux et en traversant la voûte plantaire.
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