Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin de sport.
Rédacteur en chef de www.docdusport.com
Omar à 34 ans. Il a beaucoup joué au foot. Maintenant qu’il est papa de deux enfants, il ne peut plus se rendre aux entraînements du soir et encore moins aux match du week-end. Alors, il garde la forme en salle en enchainant cardiotraining et musculation 3 fois par semaine. C’est formidable ! Malheureusement, il vient me voir car il a mal à l’épaule.
Le Doc : Avez-vous repéré un exercice qui reproduisait plus volontiers vos douleurs ?
Omar : Au début, j’avais mal après mes séances. Notamment, un peu la nuit quand je dormais sur mon épaule. Maintenant, je souffre pendant l’entraînement et plus volontiers à l’occasion du tirage nuque …
Le Doc : Pouvez-vous me montrer précisément où sont vos douleurs ?
Omar : C’est peu global sur le relief du deltoïde mais peut-être un peu plus en arrière … et parfois en avant
J’examine Omar. Les tests sont très cohérents avec l’histoire de sa blessure. Alors je lui explique …
Le Doc : Vous présentez des signes évocateurs de lésions de la coiffe des rotateurs. Ces structures sont les petits tendons profonds de l’épaule. Ils ont pour mission de se contracter simultanément pour centrer l’articulation de l’épaule. Ainsi, ils permettent aux gros muscles de mobiliser le bras dans toutes les directions en conservant un point fixe. Malheureusement, la coiffe des rotateurs est fragile. Elle est entourée par la voute osseuse de l’omoplate que vous percevez sous la peau. Vous trouvez notamment en arrière une volumineuse expansion appelée acromion. Dans certains mouvements, les tendons viennent se coincer entre ces reliefs et l’os du bras, l’humérus. De surcroît, ils frottent quand les muscles se contractent. Ils finissent par être élimés ! Les médecins du sport utilisent le terme de « conflit sous acromial » mais on parle de syndrome de Walsh quand les abrasions tendineuses prédominent à l’arrière.
Omar : Comment peut-on expliquer ma blessure ?
Le Doc : Tout laisse penser que le développé nuque est à l’origine de vos lésions. Vous indiquez que cet exercice vous fait mal et mes tests mettent en évidence que vos tendons postérieurs sont irrités. Ce sont ces derniers qui se cognent et rabotent quand vous reculez les coudes pour mettre la barre derrière le cou …
Omar : Mais, j’ai aussi mal devant …
Le Doc : C’est vrai ! Vous avez aussi des signes de souffrances articulaires antérieures. C’est logique. En fin de tirage, vous rejetez votre coude en arrière. De fait, l’autre extrémité de l’humérus se décale vers l’avant. A bien y regarder, votre posture ressemble étrangement à celle favorisant la luxation de l’épaule. Vous étirez dangereusement la portion antérieure de votre membrane articulaire et vous écrasez le petit ménisque de l’épaule appelé labrum. En résumé : distension devant, écrasement derrière … une hérésie fonctionnelle !
Omar : Ah oui ! C’est vrai, je sentais que le geste n’était pas naturel … ça me tirait fort dans les épaules quand je descendais la barre !
Le Doc : Vous avez tout compris ! La mobilité de l’épaule n’est qu’un compromis évolutif ! Il y a 6 millions d’années, nous étions quadrupède. Notre épaule était stable et moins souple car elle devait assumer le poids du corps et la propulsion. Nous avons progressé pour manipuler les outils de pierre taillée et les téléphones portables mais notre articulation n’est pas encore apte à faire des rotations complètes sans s’abîmer ! Les paléontologues disent que « la main a évoluée pour être mobiliser dans le champs visuel ! ».
Omar : Par quoi puis-je remplacer cet exercice afin de ne pas me blesser ?
Le Doc : Je vous invite à utiliser le même appareil mais en y accrochant la double poignée. Vous verrez vos mains pendant tout le mouvement, vous ferez plaisir aux paléonthologues … et à votre épaule. Vos tendons coulisseront dans un secteur dépourvu de relief osseux agressifs. Les kinés utilisent la métaphore de « voie de passage ». Vos muscles grands dorsaux travailleront tout autant voire plus. En effet, l’antépulsion accroît la mise en tension et augmentent les contraintes mécaniques sources d’adaptation et de prise de masse.
Omar : Et, en plus, je n’aurai plus mal au cou !
Le Doc : Vous avez raison ! On a failli oublier les douleurs cervicales provoquées par l’inclinaison forcée de la tête lors du tirage nuque ! Décidément, cet exercice se révèle vraiment délétère pour l’appareil locomoteur !
Omar : Pour me soigner, je n’ai pas besoin d’arrêter la muscu ?
Le Doc : Non ! Vous allez modifier le geste nocif et le rendre bénéfique ! En plaçant, vos mains devant, les pectoraux et les dorsaux potentialiseront leurs effets abaisseurs de la tête humérale. Les tendons de la coiffe pourront s’éloigner des voutes osseuses agressives ! Une véritable rééducation ! On fait néanmoins une IRM pour confirmer et quantifier les lésions antérieures et postérieures. Je vous prescris du collagène et du silicium pour apporter la matière première nécessaire à la réparation de vos tendons. On se revoit dans 6 semaines, le temps de l’adaptation tissulaire. Vous venez avec votre IRM, votre épaule 😊 et votre ressenti. S’il vous reste une gêne, il sera toujours temps de faire plus de médecine ! Dans un premier temps votre médecin du sport préfère gérer le sport ! Omar, ça vous convient ?
Omar : Super Doc ! On fait comme ça !
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