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TALENT : ATTENTION DANGER !

Dernière mise à jour : 29 janv. 2023


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport



Jacques a 57 ans. Il est patron d’une boite de logiciels qui tourne bien. Il continue de pratiquer le triathlon et s’entraîne encore intensément. Il vient me voir pour sa visite médicale d’aptitude, avec les résultats de son épreuve d’effort.


Le Doc : Alors, racontez-moi votre programme sportif actuel !


Jacques : Je nage le matin, 4 fois par semaine. Je pédale 3 fois avec deux home trainer et une grosse sortie le dimanche. Je cours 3 fois avec 1 séance longue le samedi.


Le Doc : Ah oui ! Voilà qui fait du volume ! Vous doublez dans la journée 3 à 4 fois par semaine ! Vous avez une journée de repos ?


Jacques : Pour terminer et optimiser mon chrono sur un Ironman, il me faut au moins 15 à 20 heures d’entraînement par semaine. Mais, je me repose le lundi après les nombreuses heures d’effort du week-end.


Le Doc : Et vous fractionnez beaucoup ?


Jacques : Quand il ne s’agit pas d’une séance longue … ou parfois d’une courte sortie en récupération active, je décline toujours une thématique physiologique avoisinant la haute intensité. J’alterne du « seuil » à 80%, de la « dynamisation du seuil » à 90% et du travail de VO2max à 100%.


Le Doc : Ah vous envoyez ! Quels sont objectifs cette saison ?


Jacques : Motivation principale : faire un podium à l’Iron de Nice !


Le Doc : Un podium !


Jacques : … dans ma catégorie d’âge bien sûr !


Le Doc : Mais quand même ! Grosse préparation en cours ! Regardons un peu les effets sur votre épreuve d’effort … Ah vous n’avez pas beaucoup progressé depuis l’année dernière … Vous avez même un peu régressé. Vous avez perdu 3 millilitres de VO2max et 1 km/h de Vitesse Maximal Aérobie. Bon d’accord vous avez un peu vieillit … mais juste de 1 an soit statistiquement une baisse de 1%. Là vous êtes à près de 5%. Voilà qui n’explique pas une telle évolution surtout avec votre programme sportif actuel.


Jacques : Aïe ! Comment interpréter ces résultats ?


Le Doc : Alors que vos chiffres tensionnels étaient parfaitement normaux l’an passé, votre tension artérielle a grimpé cette année. Au repos, juste avant de courir sur le tapis, elle est de 14/9 … Et, elle monte à 22/10 au dernier palier. Voilà qui est évocateur d’une imprégnation en hormone stimulante, la fameuse adrénaline. Cette dernière libère le sucre et le gras. Elle accélère le cœur et ferme les vaisseaux sanguins pour augmenter la pression dans les vaisseaux, histoire d’amener plus d’oxygène et d’énergie aux muscles en action. Lors du premier stade du surentrainement, ce messager biochimique est sécrété en excès. Tout se passe comme s’il avait pour mission de booster le corps afin qu’il tente de s’adapter aux contraintes physiologiques qu’on lui impose. Cette phase dite de « résistance » précède de peu l’épuisement. Vous glissez d’ailleurs un peu sur la pente de la régression comme l‘atteste l’altération insidieuse de vos performances physiologiques …


Jacques : Alors, je suis surentraîné ?


Le Doc : Oui ! Probablement ! Où en est votre plaisir de nager, courir ou pédaler ?


Jacques : C’est vrai que je me force un peu pour aller à l’entraînement. Ça ne me ressemble pas ! Mais je me disais que c’était normal compte tenu normal de la charge que je programme actuellement …


Le Doc : Et le sommeil ? Est-ce que vous dormez bien ?


Jacques : Le soir, je jette un œil à mes mails après le dîner. C’est vrai qu’il y a quelques semaines, je m’effondrais en parcourant mon portable dans mon lit. Désormais, quand j’éteint la lumière, je tourne et me retourne avant de trouver le sommeil. Parfois, je regarde ma montre et 2 heures ont passé ! Sans compter que je me réveille souvent dans la nuit et qu’au matin, je me lève fatigué !


Le Doc : Ce phénomène est cohérent avec l’imprégnation en adrénaline qui vous stresse et vous tient en éveil. Vous travaillez beaucoup et vous vous entraînez intensément. Burn-out et surentraînement sont des cousins biologiques ! Vous êtes en train de glisser … Je vous invite à la prudence ! La récupération de ses fatigues profondes et douloureuses est longue et laborieuse ! Et votre talent sportif est un facteur de risque …


Jacques : Ah bon mes capacités athlétiques sont dangereuses ?


Le Doc : Oui ! Pas physiologiquement mais psychologiquement ! Je le constate souvent parmi mes patients. Les plus doués ont la légitimité pour se fixer des objectifs valorisants. Ils ont de surcroît une image de brillant compétiteur à entretenir. Ils se doivent d’intensifier nettement leur entraînement à l’approche de chaque objectif. Si pas d’affûtage … pas de podium ! Ils flirtent en permanence avec le surentraînement. Mes patients de niveau moyen garde de la marge … comme moi ! Personnellement, si j’aiguise ma préparation je passe de la 4112ème place à la 3837ème … sans aucune trace dans la presse spécialisée … sans aucun impact sur mon image au sein des réseaux sociaux !


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