Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport,
Vous prenez soin de votre alimentation, vous fuyez les plats préparés et vous vous efforcez de cuisiner des denrées brutes ou naturelles. Pourtant, au moment de l’entraînement, vous ingurgitez d’étranges produits de l’effort ! Vous faites le grand écart sociologique et scientifique ! Prise de conscience et alternatives cohérentes !
Par définition, l’alimentation ultra-transformée provient de l‘industrie agroalimentaire. Elle contient des substances issues de la fragmentation de produits bruts. Ces molécules sont fréquemment hydrolysées ou hydrogénées. On y retrouve souvent des additifs et ils sont dépourvus de fibres. Des chercheurs proposent une approche plus conceptuelle et parlent d’un nombre d’ingrédients supérieurs à 5 ou 6 voir de l’impossibilité de reconnaître les denrées de base.
Des plats préparés pour l’effort
Nous pourrions prendre chacun des items mentionnés pour décrire une alimentation ultra-transformée et les retrouver dans les produits destinés à être ingérés pendant l’exercice. Je vous laisse reconnaître un citron ou une orange dans les poudres persillées de grains colorés vendues en pot. Je vous propose de chercher un grain de café délicatement torréfié dans un gel à la caféine proposé dans un tube plastique. Bien évidemment ces aliments de cosmonautes sont fabriqués en usine. Lorsque vous regardez la liste des ingrédients vous remarquez en première ligne la présence de sirop de glucose ou de maltose. Ces substances sont emblématiques de l’alimentation ultra-transformée. Elles proviennent de la créativité des agronomes américains. A l’heure où le président des états Unis, Richard NIXON, souhaitait que l’Amérique réduise les importations de betteraves sucrières, l’industrie s’emploie à hydrolyser l’amidon de la farine de maïs pour en faire du glucose et du maltose. Ces ingrédients désormais abondants voient leurs tarifs chuter. Du coup, les firmes agroalimentaires n’hésitent pas à en ajouter partout et en abondance pour accroître l’appétence des aliments et autres boissons sucrés en tout genre !
LE SIROP DE GLUCOSE OMNIPRÉSENT EST EMBLÉMATIQUE DE MAL BOUFFE ET DE L’OBÉSITÉ
Il est étrange de constater que les leaders sur ce marché des breuvages de l’effort sont « Gatorade » et « Powerade », appartenant aux deux mastodontes des sodas mondiaux, respectivement Pepsi et Coca. L’invasion du sirop de glucose et de maltose est accusée d’avoir fortement contribué à la croissance de l’obésité au sein de la population états-unienne. Ces sucres envahissent le sang à toute vitesse. Au repos, il déclenche une forte décharge d’insuline qui les transforme en graisse. A l’effort, cette rapidité est recherchée pour apporter un maximum d’énergie aux muscles. En théorie, la sécrétion d’insuline est bloquée par la présence des hormones du stress comme l’adrénaline. En réalité, les phénomènes physiologiques ne sont pas aussi tranchés, notamment à l’occasion des activités moins intenses comme le marathon ou le trail. Dans ces circonstances, la petite quantité d’insuline produite associée à la demande musculaire en glucose suffit à provoquer des hypoglycémies sources de fringales et de « gros coups de moins bien » ! Les minéraux proposés se cantonnent souvent au chlorure de sodium, parfois associé à du magnésium et du calcium puisqu’on les retrouve ici et là dans le métabolisme énergétique. Cette option n’est pas sans rappeler une anecdote médicale : Avant les années 80, les patients en réanimation, nourris par voie veineuse déclenchaient inexorablement des diabètes. Les médecins avaient beau ajouter de l’insuline, rien n’y faisait ! A la même époque, la recherche fondamentale montrait que le chrome était un cofacteur de cette hormone. On ajouta alors cet oligoélément aux perfusions et les diabètes disparurent. Bref, le scientisme évolue à contresens de l’humilité. Elle définit les besoins alors qu’il suffit de profiter des dons de la nature et d’avoir une conduite plus holistique ! Nous y reviendrons ! Cette réflexion globalisante se décline aussi autour de la liste arbitraire et obligatoirement parcellaire des vitamines ajoutées. Poursuivez votre lecture des ingrédients. Vous y verrez des exhausteurs de goût, des acidifiants, des antiagglomérants, des colorants. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée émue pour ceux qui déglutissent cette boisson de l’effort d’un bleu piscine vendue par la marque qui fabrique aussi le soda le plus célèbre du monde ! J’espère au moins qu’ils l’utilisent à l’occasion de leurs séances de natation …
La concentration impossible !
Mais les boissons de l’effort revendiquent un argument scientifique clé pour imposer leur consommation : elles sont à la même concentration que le sang ! On parle d’iso osmolarité. Autrement dit, la quantité d’éléments dissous dans chaque litre est identique en additionnant celles des minéraux, des sucres, des graisses, des protéines ! Et, allez reconstituer dans votre cuisine un breuvage répondant à ces caractéristiques et atteignant rigoureusement 300 milliosmoles. Bref, une complexité scientiste qui assure le monopole à l’agroalimentaire ! Pour affirmer et revendiquer ce concept clé d’iso osmolarité, une marque célèbre à utiliser le préfixe « iso » pour devenir la « star » de la boisson de l’effort. Mais d’où vient cette notion soi-disant incontournable. Des études montrent que l’absorption intestinale de l’eau, des minéraux et du glucose est plus rapide dans ces conditions. Bien sûr, la majorité d’entre-elles ont été menée grâce à des budgets en provenance de ces fabricants. Là encore, la réalité est plus complexe. Dans le tube digestif, les flux sont dits laminaires. Le contenu intestinal s’écoule plus lentement en périphérie et plus rapidement au centre. Les triathlètes nageant en fleuve le savent bien, il est préférable de s’éloigner de la rive pour profiter du courant. De fait, les concentrations évoluent aussi au sein du liquide circulant.
LE DOGME : UNE CONCENTRATION IDENTIQUE AU SANG … INCALCULABLE POUR UNE BOISSON « MAISON »
De surcroît, il est démontré que c’est l’eau pure qui quitte l’estomac au plus vite ! Alors qu’elle l’intérêt d’une boisson qui est rapidement absorbée dans l’intestin mais qui stagne dans l’estomac ! D’ailleurs vous êtes nombreux à dire : « Je dilue plus que ce qui est indiqué sur la notice, sinon je suis barbouillé ». De surcroît, il n’est pas rare de voir sur les notices qu’il est opportun d’ajouter de l’eau en cas de forte chaleur ! A l’inverse, ces mêmes industriels n’hésitent à vous faire ingérer en association d’autres produits issus de leurs usines. Ces barres, ces pâtes ou ces gels chamboulent bien évidemment l’osmolarité du mélange et font voler en éclats le concept doctrinal de l’iso osmolarité !
Nourrir l’effort avec des produits bruts et naturels !
Votre alimentation et votre entraînement sont de plus en plus paléolithique. Vous évitez les céréales, le gluten et les produits laitiers apparus trop tard au cours de notre évolution. Vous courez en milieu naturel et dans la montagne, à la manière de sapiens qui chassait jusqu’à épuisement du gibier. Mais, comment faisait-il ? Etait-il parvenu à concevoir la boisson magique à 300 milliosmoles ? Bénéficiait-il de barre à forte teneur en BCAA, ses fameux acides aminés ramifiés connus pour réduire la destruction musculaire ? Il est fort à parier que la nature lui apportait ce dont il avait besoin : de l’eau, des fruits, des graines par exemple … et souvent rien pour les efforts de durée modérée ! Les lobbys ne lui avaient imposé aucune consommation quand il n’avait ni faim ni soif (voir l’article : Faut-il encore boire de l’eau ?). Dans votre boisson de l’effort brute, naturelle et « maison », le sucre peut venir de jus de fruits. Les agrumes sont riches en sorbitol qui engendrent parfois des spasmes digestifs. Le jus de raisin et de pomme sont bien mieux tolérés. Ils contiennent bon nombre de vitamines, de minéraux et d’antioxydants, dont certains ne sont pas clairement identifiés. Tous participent au métabolisme de ces êtres vivants. Ainsi, en ingérant la totalité du fruit, vous bénéficiez de tous les éléments impliqués dans un fonctionnement biologique harmonieux. Les phytothérapeutes parlent d’effet « Totum ». Souvenez-vous, on est loin de la perfusion scientiste qui avait omis le chrome et déclenchée des diabètes !
DE L’EAU, DU JUS DE POMME OU DE RAISIN ET UNE PINCÉE DE SEL GRIS
Dans le même esprit, les minéraux impliqués dans l’effort ne sont pas connus de façon exhaustive. De fait, il semblerait opportun d’apporter tous les éléments présents sur cette planète. Bref ce qui provient de l’érosion des fonds marins ! Le « sel gris » est au « sel blanc » ce que le « pain intégral » est au « pain blanc » ! Il y a tout pour la vie dans le premier ! Alors puisqu’on ne sait rien … en tout cas pas grand-chose … prenez tout ! Mettez une bonne pincée de sel gris type « Guérande » dans votre boisson de l’effort. Les puristes pourront opter pour une ampoule hypertonique de « Plasma de Quinton ». Cette eau de mer concentrée et purifiée est prélevée à distance des côtes. Elle est en vente en pharmacie et en magasin diététique. Elle contient 72 minéraux et oligoéléments terrestres. Qu’elle boisson dit mieux ? Les premiers êtres vivants ont quitté la mer, il y a environ 500 millions d’années. Pour briller dans les dîners entre sportifs, n’hésitez pas à parler de « terrestrialisation ». C’est le terme exact pour décrire cette étape évolutive essentielle. Toujours est-il que ces végétaux et ces animaux ont pris soin de rester entourés d’un manteau marin. Ce dernier nous enrobe encore, c’est notre milieu extracellulaire ! Ce concept holistique est à la base de la thalassothérapie. Ainsi, quand nous transpirons, nous sécrétons de l’eau de mer ! Et le plus pertinent pour remplacer ce qui a été perdu, semble d’ingérer tous les minéraux de l’eau de mer et non pas du chlorure de sodium. Il est à noter que bon nombre de mes patients sportifs victimes de crampes malgré la prise régulière de boisson de l’effort ont vu leurs symptômes s’estomper avec le sel gris ou la « Plasma de Quinton ». Et j’aime leur dire que je ne sais pas bien quels minéraux les ont soulagés !
Des sucres plus lents, un peu de gras et de protéines
Presser un fruit pour en tirer du jus, c’est déjà une petite transformation. En tout cas, cette manœuvre modifie la consistance et enlève les fibres. A la clé, une arrivée plus rapide du sucre dans le sang probablement adaptés à des sports intenses mais source d’hypoglycémie réactionnelle au cours des épreuves plus longues. Les fruits secs rencontrent alors une indication naturelle. Les fibres gênent l’accès des enzymes jusqu’au sucre. Ce dernier gagne la circulation sanguine plus lentement et déclenche moins de sécrétion d’insuline. La concentration du glucose ne chute pas en rebond, la disponibilité et la combustion des graisses ne sont pas inhibées. Bien sûr, il est nécessaire de bien mastiquer et les études montrent que des fragments alimentaires inférieurs à 2 millimètres bénéficient d’un transit aussi rapide qu’un liquide. Les oléagineux souvent associés aux fruits secs sont aussi les bienvenus, particulièrement en trail ou à vélo. En effet, lors des exercices prolongés, le métabolisme dispose de suffisamment d’oxygène pour brûler des lipides. Il est alors intéressant d’apporter à l’organisme des graisses de qualité et digestes. De surcroît, ces aliments contiennent environ 20% de protéines capables de freiner l’autodestruction musculaire de l’effort, aussi bien sinon mieux que les BCAA pris isolément !
DES FRUITS SECS ET DES OLÉAGINEUX BIEN MASTIQUÉS
En pratique, l’imperfection et l’adaptabilité sont de bon ton ! Pour vous concocter votre boisson, mettez un quart à un huitième de jus de pommes dans votre bidon en fonction de vos goûts, de la température extérieure et de votre tolérance digestive. Complétez avec de l’eau ou du thé. Ajoutez une grosse pincée de sel gris type « Guérande » ou une ampoule de « plasma de Quinton hyperosmolaire ». Mettez dans une poche, des fruits secs et des oléagineux. Ajoutez dans une autre, un peu de sel gris que vous attraperez du bout des doigts si les ravitaillements vous proposent de l’eau pure. Concédons que les pâtes de fruits ou d’amandes ne sont pas des aliments très transformés et qu’ils conviennent bien aux épreuves de 2 à 4 heures notamment à vélo ou en randonnée. Il en est de même pour les barres de céréales … et dans certaines on reconnait même les grains quelque peu englués dans du sirop de glucose … Quand l’effort se prolonge et que le besoin de sel s’associe au dégout du sucré, les oléagineux salés apportent une solution adaptée, sans oublier les dés de fromage ou de jambon parfois sandwichés dans de petits pains au lait.
Comments