Vous rêvez de faire votre 1er IRONMAN, 3800 m de natation, 180 km de vélo suivi d’un marathon. Mais entre travail et famille, vous craignez la charge d’entraînement et la fatigue. Je vous glisse les idées et principes pour accéder en « santé » au plaisir suprême !
Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport.
Nous sommes bien d’accord, votre but n’est pas de « faire un chrono » mais juste de terminer la distance mythique, entrer dans le club déjà fermé des finishers ! Nous pouvons faire équipe si votre « réalisation personnelle » mais aussi vos santé, bien-être et plaisir restent vos objectifs tout au long de la préparation et lors de la compétition. Encore une information : avec un programme d’entraînement pour l’IRONMAN, votre activité sportive est bien supérieure à la «dose santé ». Comme j’aime à le dire aux patients que je suis dans de tels projets : «Je respecte vos aspirations, je vous accompagne mais je ne cautionne pas. Le surentraînement et la blessure menacent, il ne serait pas très éthique de vous laisser faire des erreurs ! ». Je n’oublie jamais de préciser à mes protégés que préparer un IRONMAN reste une grande aventure personnelle… mais aussi pour l’entourage ! La période professionnelle doit être sereine et stable ! La famille doit être consentante… et, mieux encore, adhérer au fabuleux projet !
BILAN ET SUIVI MÉDICAL : C’EST ESSENTIEL !
Bénéficiez d’un suivi médical spécialisé ! Commencez par une épreuve d’effort ! À la clinique ou à l’hôpital, juché sur ce vélo immobile, vous pédalez progressivement jusqu’au maximum de vos capacités. Un électrocardiogramme surveille en direct le comportement de votre cœur. L’IRONMAN est une épreuve très sollicitante, des résultats normaux permettent de se rassurer. De surcroît, votre cardiologue du sport prend soin de déterminer votre VO2max et votre seuil. Le premier item porte aussi le nom de « consommation maximum d’oxygène ». Elle correspond à votre « cylindrée ». Vous l’atteignez à «fréquence cardiaque maximum ». Le second est l’intensité à partir de laquelle vous accumulez l’acide lactique dans le sang : c’est un peu la « zone rouge de votre compte tour ». On mentionne également une « fréquence cardiaque seuil ». Toutes ces informations seront bien utiles pour affiner votre programme d’entraînement. Ayez aussi un médecin du sport à qui vous confierez sans attendre tous vos « bobos » avant qu’ils ne s’aggravent et perturbent votre préparation… avant qu’ils ne vous imposent de renoncer !
PROGRESSIVITÉ ET PATIENCE !
Bien sûr, il existe la solution du club de triathlon : c’est bien ! Mais pas forcément adapté à chacun d’entre vous. Les horaires et les lieux d’entraînement imposés ne vous conviennent pas toujours. Parfois, il est difficile d’individualiser réellement le programme. Bon nombre de mes patients ont besoin de plus de souplesse. Si vous souhaitez être autonome, le premier principe d’entraînement reste la progressivité. Il faut au moins 2 à 3 ans de pratique assidue et 4 mois de préparation spécifique avant d’envisager un IRONMAN. En effet, l’appareil locomoteur s’adapte beaucoup moins vite que le système cardiovasculaire. Regardez les os, les cartilages et les tendons : ce sont des structures blanchâtres, pauvres en vaisseaux sanguins. Ils reçoivent peu de nutriments et mettent longtemps à acquérir une structure plus résistante. Les 2 à 3 ans de pratique assidue sont destinés à les renforcer afin qu’ils encaissent sans encombre l’IRONMAN et sa préparation. Observez le cœur et les muscles : ce sont des tissus rouges, riches en vaisseaux sanguins. Ils bénéficient d’autant de nutriments que nécessaire. Ils s’adaptent vite et progressent rapidement. Les 4 mois de préparation spécifique sont faits pour eux !
JUSTE CE QU’IL FAUT ! MAIS BIEN CIBLÉ !
L’activité sportive pour la santé doit être «modérée », classiquement 3 fois 1 heure par semaine. Grâce à cette préparation, vous terminez aisément un « triathlon découverte ». Pour venir au bout d’un IRONMAN, il faut déroger à cette règle. La quantité nécessaire est obligatoirement plus importante. Une dose suffisante s’impose mais il faut fuir l’excès. L’idée est d’augmenter peu à peu le volume d’entraînement jusqu’à 1 mois de l’épreuve. Au cours de cette plus grosse semaine, le temps consacré à chacune des disciplines est comparable à celui prévu lors de l’IRONMAN. Pour bon nombre d’entre vous, il s’agit d’atteindre une quinzaine d’heures hebdomadaires. Même si cet ordre de grandeur paraît symbolique, il correspond à une sollicitation adaptée. S’il fallait moduler le message, je dirais qu’il est possible de modifier un soupçon l’équilibre des disciplines : augmenter un peu le vélo aux dépens de la course, notamment pour éviter les blessures ! En pratique, au cours des 3 mois précédents, on peut imaginer augmenter le temps d’entraînement à raison d’une petite heure par semaine. La moitié de ce volume supplémentaire se concentre sur le week-end, période privilégiée pour faire du foncier et du spécifique !
ÉVITEZ LES KILOMÈTRES INUTILES
Pour rentabiliser votre temps d’entraînement, pour éviter les fatigues inutiles, ciblez votre préparation ! Au cours de la semaine, chaque séance travaille un facteur limitant de la performance. Ainsi, du lundi au vendredi, chaque entraînement sollicite un thème physiologique précis (voir l’encadré VOTRE SEMAINE TYPE) Les séances intenses et courtes sont les bienvenues. Il faut monter votre « VO2 max » et votre « seuil » dans chaque discipline. On ne gagne pas les «24 heures du Mans » avec une citadine de petite cylindrée ! Pour que le moteur fonctionne longtemps sans encombre, mieux vaut qu’il tourne lentement, loin de la zone de surchauffe ! Autant que possible, associez à ces entraînements un peu de musculation et de gainage. Le travail au « seuil » ne dépasse pas 30 minutes, voir 2 x 20 min. Celui à « VO2 max », ne va pas au-delà d’une trentaine de « 30 secondes vite / 30 secondes de trottinement » ou de cinq fois « 3 minutes vite / 3 minutes en moulinant». L’augmentation du temps d’entraînement supplémentaire se fait au sein de l’échauffement et du retour au calme, essentiellement en endurance à vitesse IRON. Tous les mois, ces séances dures peuvent être remplacées par des entraînements faciles de durée équivalente. C’est l’occasion de vous octroyer une semaine de récupération relative. Les sorties à jeun, de durée raisonnable, vous apprennent à brûler les graisses. Les séances de « récupération active » sont les plus efficaces pour réparer les tissus. Elles sont aussi l’occasion d’un travail facile technique, notamment en natation. Les jours de repos constituent un moment clé de votre préparation. Ils vous permettent de vous régénérer, de « surcompenser ». Grâce aux jours de repos, vous récoltez les fruits de votre entraînement ! Souvenez-vous : on se fatigue, on régresse l’entrainement… et on progresse au repos !
DES WEEK-ENDS FONCIERS ET SPÉCIFIQUES !
Dans le cadre du « sport santé », il est conseillé de répartir les entraînements dans la semaine. Encore une fois, nous allons enfreindre ce principe sur l’hôtel de la spécificité. La récupération partielle entre ces gros entraînements consécutifs est recherchée pour travailler votre endurance ! Vous vous rapprochez des contraintes de l’IRON… ! Le samedi et le dimanche, nagez, pédalez, courez la vitesse prévue pour l’IRONMAN. Optimisez votre rendement gestuel. Sollicitez votre métabolisme à l’intensité spécifique. Le plus sûr est de tourner à 60 % de vos aptitudes cardiaques. À cette vitesse, vous brûlez un maximum de graisses appelées aussi « lipides ». On parle de « lipomax ». Ainsi, vous économisez votre glycogène, les grandes chaînes de sucre en réserve dans vos muscles. Son épuisement est classiquement tenu pour responsable du «mur », l’altération brusque de votre aptitude à poursuivre votre effort. Évaluez votre fréquence cardiaque à « lipomax », grâce à l’encadré « VOTRE INTENSITÉ IDÉALE ». Le week-end, nagez, pédalez, courez longtemps. Contrairement à votre programme de la semaine, deux entraînements quotidiens sont envisageables… alors nagez le matin. Le samedi, poursuivez avec du vélo ; le dimanche, optez pour un footing. Inversez aussi l’ordre de ces pratiques. La première formule a le mérite de vous faire courir en état de fatigue… comme pendant l’IRON. La seconde, grâce au vélo, moins agressif sur les muscles et les articulations, vous pousse plus loin dans la sollicitation énergétique et l’endurance. Bien sûr, faites des enchaînements ! Placez aussi des compétitions préparatoires. Des triathlons « distance Olympique » sont conseillés… à vitesse IRON. Vous peaufinez votre métabolisme spécifique, votre matériel, votre alimentation et votre logistique. Un «HALF IRON MAN » est même envisageable, dans des conditions identiques. Il est idéalement placé 1 mois avant l’échéance, à la fin de votre plus grosse semaine. Un « marathon de préparation », même à vitesse IRON, n’est pas franchement recommandé du fait de la longue récupération nécessaire pour faire cicatriser vos muscles. Si vous y tenez vraiment, il remplace le « HALF ». En revanche, n’hésitez pas à caser un « semi-marathon », le lendemain d’une grosse sortie vélo. Pensez aux « cyclosportives » … pourquoi pas de 180 km ? La veille, allez nager ou courir. Surtout, la ligne d’arrivée franchie, faites la pige à vos copains cyclistes. Chaussez toujours vos running pour trottiner 1 à 5 kilomètres. Profitez des longues heures passées à pédaler pour éduquer votre corps à vaincre le contraste postural et gestuel.
UN MOIS DE FRUSTRATION !
Le dernier mois, il faut réduire progressivement… mais nettement la charge de travail. Les gros efforts sont derrière vous. Votre corps se répare ! Comme pour anticiper une prochaine sollicitation, il se reconstruit plus fort ! C’est la surcompensation ! Vous progressez… Réduisez la durée des fractionnés. Abandonnez la « VO2 max » à 3 semaines de l’épreuve et le « seuil » à 15 jours. Diminuez surtout le volume. Baissez d’environ 20 % vos heures de pratique chaque semaine. Si vous aviez atteint 15 heures, enlevez 3 heures tous les 7 jours. Passez à 12, 9, 6 puis 3 heures hebdomadaires. Au cours de la dernière semaine, vous retrouvez la dose santé, vous ne faites que l’endurance, vous privilégiez la natation et le vélo. Vous vous sentez en pleine forme. C’est bon signe. N’en profitez pas, restez frustré ! La fraîcheur est un point clé dans la réussite de ces grosses épreuves !
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VOTRE SEMAINE TYPE « PREPA IRON »
Au cours des 3 premiers mois, le volume d’entraînement augmente d’une petite heure par semaine : 20 à 30 minutes entre le lundi et le vendredi, 20 à 30 minutes le week-end. L’idée est d’atteindre, 1 mois avant l’échéance, un volume hebdomadaire correspondant à votre temps sur l’IRONMAN. Chaque thème d’entraînement se décline alternativement dans les 3 disciplines.
LUNDI :
• repos !
Il faut «digérer» le week-end et progresser
MARDI :
• séance « seuil »
Elle peut se faire en salle, vous en profitez pour travailler les enchaînements et faire un peu de musculation et du gainage.
MERCREDI :
• séance à jeun.
JEUDI :
• séance « VO2 max »
Le temps passé à forte intensité est de courte durée, une piqure de rappel suffit.
VENDREDI :
• récupération active, travail technique facile… avant le gros week-end
SAMEDI ET DIMANCHE : • Séances longues à vitesse lente et spécifique de l’IRONMAN. • Enchaînements • Compétitions variées (triathlons, cyclosportives, semi-marathon) à vitesse IRONMAN
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VOTRE INTENSITÉ IDÉALE
Il est conseillé de parcourir votre premier IRONMAN à 60% de vos capacités cardiaques. À cette intensité, vous brûlez beaucoup de graisses et vous préservez vos réserves de sucre musculaire. Vous évitez le « mur ». À cette vitesse, votre respiration est aisée, légèrement plus ample qu’au repos. Vous pouvez parler et même converser et chanter… sauf dans l’eau ! Votre fréquence cardiaque atteint 60 % de sa réserve. Prenons l’exemple de Nicolas. Il a 40 ans, sa fréquence maximum est de 220 – son âge = 180, sa fréquence de repos est de 60. Il dispose, pour faire du sport, de 120 battements. Sur l’IRON, il doit utiliser 60 % de cette réserve soit : 60 % x 120 = 72 battements. Si on ajoute les 60 battements qu’il consacre à se « reposer », on obtient sa fréquence de compétition : 60 + 72 = 132. Dans les bosses à vélo, en courant et en fin d’épreuve, Nicolas pourra monter 5 à 10battements plus haut.
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