Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
Rédacteur en chef de www.docdusport.com
Thomas a 32 ans. Il vient me voir plein de bonnes résolutions, il veut reprendre le sport pour sa santé cardiovasculaire et articulaire. Il ne me cache pas qu’il veut gagner un peu de volume musculaire car Il souffre de sa morphologie très filiforme. Il a bien essayé, il y a quelques années, mais sa silhouette c’était peu modifiée et il avait fini par se blesser …
Le Doc : Thomas, je vais vous faire un bilan du cœur et de l’appareil locomoteur … et je vous concocterai un programme personnalisé.
L’examen clinique de Thomas est très rassurant notamment sur le plan cardiaque. Il a bien quelques douleurs aux genoux, aux épaules et au dos mais sans gravité …
Le Doc : Vous avez un peu mal à vos articulations mais elles ne sont pas abîmées. Elles ne fonctionnent pas bien du fait de votre faiblesse musculaire. Voilà pourquoi le renforcement participe authentiquement à la santé articulaire …
Thomas : Et que pensez-vous de ma morphologie ? Pourrai-je prendre du muscle ?
Le Doc : Incontestablement, vous êtes très longiligne. Vos parents ont-ils un physique comparable au votre ?
Thomas : Oui, c’est vrai ! Mon père surtout !
Le Doc : La musculature est à forte composante génétique. Notre ADN, le programme moléculaire de nos cellules, est constitué d’environ 25 000 gènes. Chacun d’eux codent, donnent les consignes, pour construire une protéine qui participe à la construction ou au fonctionnement de notre corps. 120 d’entre eux participent activement à la performance sportive. Et les subtiles et multiples combinaisons donnent à chacun un potentiel particuliers qui parfois mène à la médaille Olympique.
LA MORPHOLOGIE EST A FORTE COMPOSANTE GENETIQUE
Thomas : Et moi, quel est mon talent ? Je ne suis pas très doué … je m’entraîne et ça ne fonctionne pas !
Le Doc : Je ne suis pas certain ! Au lycée, en EPS, comment étiez vous situé quand vous pratiquiez de l’endurance … le genre 3 X 500 mètres ou le Test de 6 minutes ?
Thomas : En effet, j’étais plutôt devant !
Le Doc : Est-ce que vous grossissez facilement ?
Thomas : Ah, non ! mais copains sont impressionnés par ce que j’avale sans prendre un gramme ! Mais, c’était désespérant à l’époque où je m’étais lancé dans la musculation !
Le Doc : Vous voyez ! Vous faites déjà des jaloux ! On ne peut pas tout avoir. La sélection naturelle s’est probablement structurée autour de deux qualités déterminantes et contradictoires : l’endurance ou le sprint … pour chasser ou pour échapper aux carnivores ! A chacun son anatomie et ses qualités. Les kenyans sont connus pour leurs aptitudes cardiovasculaires exceptionnelles et des morphologies longilignes. Certains experts pensent même que la finesse de leurs mollets réduit le levier de la jambe et contribue amplement à leur performance ! Moins de muscles pour devenir champion ! Les jamaïcains sont célèbres pour leurs sprinteurs hyper talentueux et musculeux.
A CHACUN SON ASSORTIMENT DE GENES
A CHACUN SON TALENT
Thomas : Je suis peut-être constitué d’un cocktail de gène incompatibles !
Le Doc : Vous voulez dire un mélange complémentaire 😊 ! Comme sur un terrain de foot où chaque poste se définit par des nécessités énergétiques et musculaires spécifiques. L’avant-centre court un peu mais se doit d’être explosif et hyper efficace en quelques secondes. Le milieu de terrain enchaine les aller-retours, accumulent les kilomètres et réalise quelques sprints essentiels pour le score final ! On dit que le footballeur est un sprinteur pendant 90 minutes … Un assortiment de gènes incohérents qui fait la qualité !
Thomas : Mais pourquoi suis-je aussi maigre ? Existe-t-il des gènes déterminants ?
Le Doc : Il est probable que les gènes codant pour la myostatine ou ses récepteurs jouent un rôle capital ! La myostatine est une protéine qui régule et limite la croissance musculaire. De cette manière, nous conservons une morphologie compatible avec l’activité quotidienne et même la continuité de l’espèce. Illustration. Il existe des races de bovins souffrant d’une mutation de la myostatine la rendant inefficace. Ces animaux portent le nom de « culards ». Ils présentent spontanément une hypertrophie musculaire impressionnante … à faire pâlir d’envie les meilleurs bodybuilders ! Problème, ils peinent à se déplacer …et les épaules des taureaux sont si lourdes qu’ils ne peuvent plus grimper sur les vaches ! La fin des individus face aux prédateurs ! La fin de l’espèce en l’absence de descendance ! Les facteurs de croissance sécrétés par le foie sont aussi essentiels. Là aussi, il existe de nombreuses variations génétiques qui influent sur votre propension à prendre du muscle.
LA MYOSTATINE : UN GENE DETERMINANT DE LA MASSE MUSCULAIRE
Thomas : On peut jouer sur ses paramètres ?
Le Doc : Bien-sûr, il est possible de moduler l’expression de ces gènes. On parle d’épigénétique. L’entraînement constitue la meilleure façon de procéder. Il existe de multiples facteurs qui contribuent à la prise de masse. Classiquement, on cite l’influence des récepteurs mécaniques dans les membranes musculaires. Ils enregistrent les tensions et enclenchent une cascade de réactions biochimiques stimulant la construction des fibres. On parle aussi des microlésions à l’origine des courbatures qui provoquent un processus de reconstruction plus volumineuse. C’est la fameuse surcompensation. Ça fonctionne bien sur les profils musculeux …
TENSIONS ET MICROLESIONS :
STRESS MECANIQUE POUR LES MUSCULEUX
Thomas : Oui j’avais fait ça ! Sans beaucoup de résultats !
Le Doc : En effet, on n’évoque insuffisamment l’ischémie ou manque d’oxygène. Cette méthode fonctionne mieux sur les profils endurants. Elle est désormais utilisée et codifiée en rééducation et porte le nom de BFR pour « Blood Flow Restriction » ou « restriction du flux sanguin ». Le kiné utilise un brassard pour limiter le passage du sang mais l’entrainement et la musculation traditionnelle y parviennent sans artifice dangereux. Les cyclistes qui roulent des heures en se faisant brûler les cuisses dans les bosses prennent de la masse. Si vous travaillez sur des séries longues avec des charges légères jusqu’à l’échec, vous obtiendrez le même résultat. Dans ces conditions, ce ne sont pas les tensions membranaires ni les microlésions des fibres mais le manque d’oxygène qui provoquera prise de masse. A chaque contraction, le muscle écrase les vaisseaux qui le traversent. Vos cuisses brûlent, vous faites de l’acide lactique et de nombreux autres facteurs de croissance locaux appelés myokines. Vous épuisez toutes vos fibres … jusqu’à la dernière ! Le facteur limitant n’est plus votre coordination neurologique ni votre aptitude à recruter les différents faisceaux musculaires ! Votre épuisement est local, votre adaptation sera locale ! Vous optimiserez votre gain de volume musculaire ! Pour ne rien gâcher, c’est en multipliant les petites contraintes que les articulations parviennent à s’adapter sans se blesser ! Pour l’appareil locomoteur, mieux vaut descendre par l’escalier que sauter par la fenêtre !
MANQUE D’OXYGENE ET MYOKINES :
STRESS BIOLOGIQUE POUR LES ENDURANTS
Thomas : En pratique, comment dois-je faire ?
Le Doc : Optez pour un bon échauffement sous forme d’endurance. C’est votre point fort ! Commencez à bosser sur elliptique ou sur vélo pendant 20 à 30 minutes. Sur ces appareils, il n’y a que de la poussée. Et pas de freinage. Compte tenu de votre profil génétique, le travail dit excentrique qui abîme les fibres est plutôt délétère pour gagner en volume. Augmentez progressivement les résistances jusqu’à percevoir ces brûlures musculaires, conservez les un bon moment … comme un cycliste dans un col ! Enchaînez avec la musculation. On parle de « surfatigue ». C’est beaucoup plus efficace dans le cadre de cette stratégie par manque d’oxygène. Effectuez des exercices de 30 à 40 répétitions jusqu’à l’échec. Faites une seule série ! C’est validé ! Dans ces conditions, répéter ne sert à rien pour le volume ! Alternez les localisations et parfois travaillez le même groupe musculaire avec un mouvement différent pour solliciter vraiment toutes les fibres. Exemple, pour les pectoraux, développé couché, écarté et pull-over.
1 SERIE LONGUE ET LEGERE JUSQU’A L’ECHEC PAR EXO
MULTIPLIER LES EXOS COMPLEMENTAIRES
Thomas : Ah ! C’est original ! je vais essayer !
Le Doc : Le dogme des 3 séries de 10 à 12 répétitions avec de longues pauses, nous vient d’études réalisées sur des haltérophiles Bulgares chargés avec des cochonneries, à l’époque de la guerre froide ! Rien à voir avec Thomas !
Thomas : Et sur le plan alimentaire ?
Le Doc : Continuez à prendre des protéines dans l’heure qui suit. Juste après le stress mécanique et biochimique, le muscle est au maximum de sa réactivité pour se reconstruire. On parle de « fenêtre métabolique ». Les protéines de lait appelées « Whey » ne sont pas obligatoires … c’est vraiment de l’ultra-transformé ! Faites confiance à la nature !
LE LAIT DE VACHE : UN COCKTAIL ANABOLISANT HOLISTIQUE
Ayez une vision globale … on dit holistique ! Buvez du lait … le subtil cocktail de protéines, de glucides et de lipides … sans oublier les facteurs de croissances naturels … permet au petit veau de prendre 200 kilos en 6 mois sans devenir obèse ! Un beau projet pour un longiligne 😊 ! De surcroît, ça vous réhydrate et c’est bourré de BCAA, les acides aminés qui se sont transformés en glucose pendant l’effort ! J’appelle le lait « l’anabolisant de veau » !
Thomas : Parfait, j’adhère, c’est logique, naturel, simple et pas cher ! Et, vous auriez un complément alimentaire à me conseiller ?
LA CATECHINE DU CACAO ET DU THE VERT INHIBE LA MYOSTATINE
Le Doc : Dans votre contexte, je citerai une molécule présente dans les plantes : la catéchine ! Elle est connue pour inhiber la myostatine … le facteur qui bloque la croissance musculaire et qui est probablement très actif chez vous. On la trouve en grande quantité dans la fève de cacao et le thé vert. Je propose à mes patients qui doivent augmenter leur force de prendre après l’entraînement du cacao très concentré … en plaque 85 à 99% … ou en poudre sans sucre ! Pour cette dernière option, le lait « matin léger » à la saveur légèrement sucrée permet d’adoucir la mixture. En effet, le lactose a été coupé par une lactase en glucose et galactose qui possèdent un léger pouvoir sucrant sans augmenter les calories. Vous pouvez aussi boire du bon thé vert dans la journée pour vous hydrater. Il existe depuis peu des poudres et des gélules de catéchine mais la qualité de ces produits n’est pas encore validée !
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