par le docteur Stéphane cascua médecin du sport
rédacteur en chef de www.docdusport.com
A l'occasion des squats, vous avez mal en avant de la hanche. C'est peut-être un conflit articulaire. La prudence s'impose ! Explications et conseils préventifs de votre médecin du sport
Pour les professionnels de santé, l'articulation de la hanche est appelée coxofémorale. Classiquement, elle fait mal en avant du bassin, de chaque côté, au niveau du creux inguinal. Dans les métiers de la mode et dans le langage courant, on place plus volontiers la hanche sur le côté. Des douleurs à ce niveau correspondent le plus souvent à des souffrances du muscle moyen fessier. Néanmoins, pour compliquer les choses, il arrive que les lésions de cette articulation soient responsables de contractures musculaires pseudo-protectrices. De fait, d’authentiques blessures coxofémorales sont parfois prises pour des douleurs du psoas, des fessiers ou des ischiojambiers.
La hanche ne peut pas devenir une épaule !
Le fémur, l’os de la cuisse est surplombé d’une sphère. Cette dernière loge dans une grosse cavité osseuse en forme de saladier creusée dans le bassin. L’emboitement est profond. En effet, nous sommes bipèdes depuis 6 millions d’années et notre hanche a évolué vers la stabilité ! Cette qualité indispensable nous permet d’alterner des appuis droit et gauche en marchant, en courant et en sautant sans craindre une luxation de cette articulation !
LA HANCHE EST NATURELLEMENT STABLE ET PEU MOBILE
L’épaule a opté pour une adaptation opposée. Elle est mobile pour manipuler les outils et les armes de chasses. L’omoplate ressemble à un demi-bassin mais la surface de contact avec le sommet de l’os du bras, la tête de l’humérus, est toute plate. Avantage : des mouvements de grandes amplitudes pour lancer la sagaie, jouer au tennis ou faire du dos crawlé ! Inconvénient : une instabilité majeure ! L’épaule est l’articulation du corps championne des luxations ! Lorsque vous faites trop de foot, de tennis, de sports de combat, de danse, de yoga … de squats profonds, vous demandez à votre hanche d’avoir une mobilité d’épaule ! Elle ne sait pas faire ! Elle ne peut pas faire !
Des symptômes intrigants
Depuis quelques semaines, vous souffrez dans le creux inguinale après les séances. Désormais, la douleur survient pendant les entraînements, surtout quand vous descendez au maximum. Votre coach appelle ce mouvement des « squats profonds ». Au fil des jours, vous ressentez même une limitation. Vous ne parvenez plus à fléchir complètement. On vous a parlé de tension dans le muscle psoas. Alors vous effectuez des étirements mais rien n’y fait !
DOULEUR ET LIMITATION LORS DES SQUATS PROFONDS
Votre médecin du sport peaufine l’entretien et il apprend que vous avez fait beaucoup de foot, de tennis, de danse ou de sports de combat quand vous étiez gamin. Bref, votre bassin a beaucoup pivoté autour de votre fémur tout au long de votre enfance. A l’examen, votre thérapeute constate des mobilités de hanche diminuées. Quand vous ramenez le genou vers la poitrine, il dévie vers l’extérieur. Lorsque, vous faites pivoter votre articulation fléchie, vous déclenchez la douleur. Vous avez probablement un conflit de hanche ! Un bilan d’imagerie exhaustif est nécessaire !
Des examens bien utiles !
La simple radiographie est souvent très contributive. On y voit fréquemment des bosses osseuses anormales tout autour de la tête du fémur et sur le pourtour de la cavité articulaire du bassin appelée cotyle. Il s’agit des cicatrices anarchiques et volumineuses qui répondent aux impacts répétés lors des mouvements de trop grandes amplitudes. Ce phénomène est à l’origine d’un cercle vicieux. Ces tuméfactions provoquent un contact de plus en plus précoce entre le fémur et le bassin. Vos cicatrices osseuses grossissent, vos mobilités diminuent et vos douleurs augmentent.
SUR LES RADIOS, DE GROSSES CICATRICES OSSEUSES REPONDENT AUX IMPACTS REPETES
Au début, les lésions sont plus subtiles. Il faut faire une IRM pour détecter des traces de contusion sur le cartilage ou sur le ménisque de la hanche appelée labrum. Cette usure du cartilage pourrait faire penser à une banale arthrose. Cependant, le mécanisme, les images et le traitement sont différents. En cas de conflit, ce sont les chocs lors des mouvements sportifs amples qui provoquent les lésions. En cas d’arthrose, c’est le simple appui qui abîme la hanche à la faveur du temps qui passe, du surpoids et des troubles métaboliques !
Le premier traitement est sportif !
Pour soulager votre hanche, arrêtez de lui taper dessus ! Réduisez l’amplitude des mouvements. Evitez les accroupissements en charge ! laissez vous guider par la « règle de la non-douleur ». Sauf si vous préparez les jeux Olympique en haltérophilie, le squat profond n’a aucun intérêt ! Le renforcement musculaire est spécifique de l’angle de travail … et ce geste agressif est omni absent dans les autres disciplines !
ARRETEZ OU LIMITEZ LES SQUATS PROFONDS
RALENTISSEZ LA DESCENTE. RENFORCEZ LES MUSCLES FREINATEURS
STOPPEZ LE GAIN D’AMPLITUDE
Il est vivement conseillé de renforcer les muscles freinateurs du mouvement de squat, à savoir les fessiers et les ischiojambiers. En ralentissant la descente, la contrainte mécanique passe par les tensions musculaires et non par le blocage articulaire. De surcroit, vous contrôler mieux le mouvement et vous pouvez l’arrêter avant le contact osseux. Ne cherchez plus à gagner en amplitude : votre limitation n’est pas liée à une raideur musculaire, elle est provoquée par un impact articulaire ! Plus vous insistez, plus vous souffrez, plus vous produisez de grosses cicatrices, plus vous perdez en mobilité ! Continuez votre sport avec bon sens et bienveillance envers-vous-même ! Prenez soin de lisser votre articulation en douceur ! Faites du vélo sans trop vous pencher en avant. Moulinez sur une résistance modérée. Augmentez la fréquence de pédalage pour faire monter le cardio. La brasse constitue également une bonne manière de polir la hanche sans la contrainte du poids de corps, notamment dans le secteur de l’écartement.
LISSEZ VOTRE ARTICULATION EN DOUCEUR : VELO ET BRASSE
Vous l’avez constaté, la course à pied ne vous fait pas mal ! Vous l’avez compris, vos lésions ne sont pas localisée dans la zone d’appui ! Continuez à faire votre footing ! Par chance, toutes ces activités d’endurance manquaient à votre système cardiovasculaire confronté systématiquement à des sollicitations courtes et intenses ! Votre santé, votre bien-être et votre forme au quotidien, vous remercient ! En salle, échauffez-vous tranquillement. Vélo et Assaut bike sont recommandés. L’elliptique ne pose pas de souci. D’accord pour le Ski Erg en réduisant l’amplitude des squats et des fentes associés. Prudence sur le rameur à l’occasion du retour en flexion : diminuez la vitesse et l’amplitude !
Un traitement médical parfois !
Si ces réglages ne vous soulagent pas, si vous pratiquez l’haltérophilie en compétition, il est possible d’intensifier votre prise en charge. La première étape consiste à réaliser un arthroscanner associé à une infiltration. Cet examen consiste à injecter dans votre hanche un produit de contraste qui parvient à détourer votre surface articulaire et décrire les irrégularités de votre cartilage. Simultanément, le radiologue pousse dans la seringue un corticoïde. Il ne s’agit pas d’un cache misère mais du traitement adapté de l’emballement inflammatoire, une réaction biologique excessive visant à nettoyer les copeaux cartilagineux jusqu’à grignoter les tissus sains. Après quelques jours, il est possible que les membranes articulaires deviennent plus fines et coincent moins. Sous couvert d’adaptation du geste, il est fréquent que le conflit diminue et que les douleurs s’apaisent …
INFILTRATION, ACIDE HYALURONIQUE OU PRP SONT POSSIBLES
Si cette stratégie ne suffisaient pas, on peut envisager l’injection d’un produit naturel glissant et amortissant appelé acide hyaluronique. Cette technique porte aussi le nom de viscosupplémentation. Au cas où l’arthroscanner montre de grosses lésions du cartilage, il faut penser à une injection de plaquettes ou PRP pour Plasma Riche et Plaquettes. Ces petites cellules sont récupérées par une simple prise de sang. Dans les lésions du cartilages, comme sur les plaies, elles viennent s’agglutiner pour combler les trous. Elles libèrent des régulateurs de l’inflammation et des facteurs de croissance qui améliore la texture des tissus. Cette fois, vous devriez aller mieux … si vous conservez les réglages gestuels préventifs !
Une opération … rarement !
Si malgré cette prise en charge sportive et médicale complète vous avez toujours mal, un avis chirurgical s’avère pertinent. L’intervention consiste à enlever les boursoufflures osseuses puis à creuser en regard afin de restaurer les concavités d’emboitement. Attention, malgré ces explications théoriques simples, il s’agit d’un geste très technique nécessitant dextérité et entraînement ! Une prestation ultraspécialisée est indispensable.
IL FAUT ENLEVER LES BOSSES OSSEUSES ET CREUSER LES ZONES D’EMBOITEMENT
Les suites ne sont pas toujours aisées et l’articulation reste souvent irritée de longues semaines. Enfin, il est possible que cette opération ne suffise pas quand les lésions du cartilage liées aux impacts sont trop étendues. Dans ce contexte, le conflit de hanche tourne à l’arthrose invalidante et la prothèse devient une option … Alors, modifiez votre geste ! Ne demandez pas à votre hanche de devenir une épaule !
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