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MORTS SUBITES À HAUT NIVEAU : MISE AU POINT !

Dernière mise à jour : 9 févr. 2023


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport et rédacteur en chef de www.docdusport.com


Par le Docteur Laurent UZAN, cardiologue du sport et directeur d’enseignement en cardiologie du sport



Des footballeurs professionnels se sont effondrés sur le terrain, devant les caméras ! Est-ce vraiment exceptionnel ? De quoi sont-ils morts ? Le dopage est-il responsable ? Pourrait-on éviter ces drames ?


Les jeunes sportifs de haut niveau bénéficient d’un suivi médical régulier et complet. Examens rigoureux, électrocardiogrammes, tests d’effort, échographies cardiaques se succèdent tout au long de leur carrière. Alors pourquoi certains décèdent-ils en plein effort ?


La mort subite du sportif « en pleine forme », ça existe !


Chaque année en France, environ 1500 sportifs succombent pendant leurs activités physiques ! Par définition, ils n’ont pas subi de traumatisme, ils étaient même en pleine forme et ne se plaignaient de rien ! Dans 90% des cas se sont des hommes. Le plus souvent, ils ont plus de 35 ans et dans 85% des cas c’est un infarctus qui provoque le drame.


APRES 35 ANS : UN INFARCTUS


Il s’agit là d’une maladie d’usure des artères du cœur : les coronaires se bouchent peu à peu en accumulant des graisses sur leurs parois. A l’occasion d’une élévation de la pression, pendant un effort par exemple, la plaque graisseuse peut se déchirer. Comme pour réparer cette petite plaie, un caillot se constitue. Malheureusement, il obstrue l’artère, il empêche le sang d’arriver. En plein effort, le sportif est victime d’une crise cardiaque ! Le cœur fait une crampe et devient incapable de propulser le sang vers le cerveau et les autres organes : c’est la mort subite. Plus rarement la mort subite se produit, chez un jeune pratiquant de moins de 35 ans.


AVANT 35 ANS : UNE ANOMALIE CARDIAQUE


Cette fois, c’est une anomalie cardiaque ou vasculaire qui en est responsable. Tous les ans, elle atteint 23 sportifs sur un million alors qu’elle ne touche que 9 sédentaires sur un million. Un niveau de performance élevée n’exclut pas la possibilité d’une anomalie cardiaque. Au contraire, la pratique de haut niveau augmente même le risque de mort subite. En effet, c’est l’intensité et la durée de la sollicitation qui peut faire décompenser une malformation ! Ainsi, si le jeune sportif double la probabilité de décès brutal en comparaison de l’inactif, l’athlète de haut la multiplie par 4 à 5.


Quelles sont les causes de morts subites chez ces jeunes sportifs ?


Le plus souvent l’anomalie en cause est un « gros cœur ». C’est la « cardiopathie hypertrophique ». La paroi du cœur est plus épaisse que la moyenne et n’est pas homogène. Il existe de petits amas fibreux. Parfois, il s’agit de « Dysplasie arythmogène du ventricule droit », traduisez une « malformation qui donne des troubles du rythme » ! Cette fois, le ventricule droit, celui qui éjecte le sang vers les poumons, est fin et filandreux. Au cours de ces deux maladies, les anomalies de texture du muscle cardiaque peuvent provoquer des courts-circuits.


GROS CŒUR ET ZONES FIBREUSES


A l’occasion de l’excitation électrique intense provoquée par le sport, l’influx nerveux vient butter contre ces nodules et ces filaments. Il rebondit, se met à tournoyer et relance sans cesse la contraction. Au lieu de se contracter harmonieusement, le cœur se met à vibrer, il ne parvient plus à éjecter le sang. En l’absence de réanimation, ce malaise grave peut conduire à une mort subite ! Moins souvent, les artères du cœur sont victimes de malformations. Par exemple, elles peuvent être localement surplombées d’un pont musculaire ou encore passer entre l’aorte et l’artère pulmonaire. A l’effort intense, lors des contractions cardiaques vigoureuses, il arrive qu’elles soient comprimées ou coincées. Le sang ne passe plus ! Là encore le cœur souffre, n’est plus irrigué correctement et peut faire une crampe fatale !


Le dopage n’est pas toujours responsable !


Vous connaissez désormais les mécanismes de la mort subite chez le jeune sportif. En théorie, vous avez compris que le dopage n’était pas à l’origine de ces drames ! Laissons les médias polémiquer sur le sujet et tentons d’analyser objectivement la situation. Si le dopage n’est pas la cause de ces morts subites, il peut constituer un facteur favorisant. Effectivement, les gros cœurs sont souvent à l’origine des morts subites et … les anabolisants augmentent la formation du muscle.


LES ANABOLISANTS FONT GROSSIR LE CŒUR


On peut imaginer que ces dérivés des hormones mâles engendrent la décompensation d’une malformation jusque-là bien tolérée par le sportif. Les amphétamines et autres excitants activent la conduction nerveuse et poussent le muscle jusqu’à l’épuisement. L’EPO ou Erythropoïétine est une hormone sécrétée naturellement par les reins. On peut la produire de façon synthétique ; elle est destinée aux insuffisants rénaux. Elle a pour fonction de stimuler la production de globules rouges. De fait, utilisée comme dopage, elle augmente la viscosité du sang au-delà des normes et favorise la formation de caillots.


Beaucoup d’examens … et pourtant !


Ces décès surviennent chez des sportifs de haut niveau très surveillés par des équipes médicales compétentes ! Voilà qui prouvent que le risque zéro n’existe pas ! L’électrocardiogramme de repos, le tracé électrique de la contraction du cœur, permet de dépister plus de 60 % des anomalies pouvant induire une mort subite. C’est pourquoi les recommandations françaises et européennes conseillent cet examen dès l’âge de 12 ans avant de signer une licence pour la compétition. Cet enregistrement est à renouveler tous les 2 à 3 ans car les malformations, initialement discrètes, s’aggravent au fil du temps.


ECG DE REPOS DES 12 ANS !


L’épreuve d’effort analyse ce tracé alors que le sportif atteint progressivement sa fréquence cardiaque maximum. On y recherche des traces de mauvaise oxygénation ou des battements cardiaques anormaux et irréguliers. L’échographie décrit les contours et mesure la taille du cœur comme elle donne la forme du bébé dans le ventre de la maman. Problème : le cœur d’un athlète de haut niveau prend beaucoup de volume comme chacun des autres muscles travaillés. Il est parfois difficile de faire la différence entre un « cœur de sportif » et un « cœur malade ».


GROS CŒUR MUSCLE OU GROS CŒUR MALADE ?


De plus, les fines irrégularités de la texture musculaire ne sont pas visibles. En cas de doute, l’IRM, l’imagerie par résonnance magnétique, retrouve plus aisément une trame anormale, hétérogène ou fibreuse. Des examens électriques sophistiqués appelés « potentiels tardifs » étudient « à la loupe » la propagation de l’influx dans le cœur ; il décèle parfois des particularités évocatrices d’anomalies de la consistance cardiaque. Toutefois, le diagnostic est parfois délicat à poser ! Compte tenu du risque, la prudence doit prévaloir ! Mais, en sport professionnel, une inaptitude est lourde de conséquences humaines et économiques ! Aussi, ce type de conclusions n’est donnée qu’en multipliant les avis d’experts. On parle de « décision collégiale ». Le sportif désireux de poursuivre son activité coûte que coûte ne peut pas signer de décharge ! En France, la loi ne donne aucune valeur à ce document !


Simple … mais essentiel !


La surenchère de bilans compliqués, leur répétition années après années n’est pas la panacée ! Le piège pourrait même consister à être rassuré par des examens réalisés antérieurement par des équipes médicales de haut niveau ! Et pourtant ! Certaines malformations cardiaques évoluent et s’aggravent ! Le diagnostic devient alors plus aisé ! Un « gros cœur de sportif » mérite une surveillance régulière ! Surtout, rien ne remplace une visite médicale simple et rigoureuse … comme celle dont vous pouvez bénéficier !


UN EXAMEN PERFORMANT : L’INTERROGATOIRE


Sachez que, pour nombre de cardiologues du sport, l’examen le plus performant pour trouver une maladie du cœur reste l’interrogatoire ! Les anomalies cardiaques sont souvent d’origine génétique. Aussi, le médecin du sport s’enquiert d’éventuels antécédents familiaux de malformations du cœur voire de morts subites au cours d’un effort. De plus, la mort subite est rarement subite ! Dans la majorité des cas, quand on interroge l’entourage de la victime ou le sportif … réanimé, on constate qu’il a souffert de symptômes précurseurs !


CHERCHER LES SYMPTOMES PRÉCURSEURS


Aussi, le médecin cherche-t-il des signes intrigants survenant à l’exercice : malaises, pertes de connaissance, palpitations, douleurs dans la poitrine. Bien sûr, ces perceptions sont parfois sans gravité. Mais il convient de faire la démonstration de leur bénignité ! Si l’un d’entre eux est mentionné, un bilan spécialisé est nécessaire … pour tous les sportifs ! Si l’interrogatoire se révèle essentiel, il n’est pas suffisant. En cas d’anomalie cardiaque débutante chez l’enfant, la mort subite est parfois dite « inaugurale » ! L’ECG de repos est indispensable !


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LA FIÈVRE, C’EST CHAUD !


En cas d’infection, comme la grippe ou la COVID, vous avez de la fièvre. Vous souffrez également de courbatures musculaires, notamment dans le dos. Ce phénomène met en évidence que les virus gagnent vos muscles et les attaquent ! Même si vous ne ressentez aucune douleur dans la poitrine, votre cœur est souvent concerné par cette agression ! Les microlésions musculaires peuvent être à l’origine de court-circuit lors de la propagation de l’ordre de contraction ! La crampe cardiaque menace ! L’infection fébrile est le premier facteur de risque de mort subite chez l’homme jeune ! En sollicitant ce cœur courbaturé, vous pouvez aussi provoquer de petits claquages. Des cicatrices fibreuses se constituent parfois. Elles deviennent à leur tour des zones perturbant la transmission de l’influx. On parle de « foyers arythmogènes ». Exceptionnellement, ces lésions définitives déclenchent des battements irréguliers susceptibles de dégénérer en mort subite. N’hypothéquez pas votre avenir sportif ! Lorsque de surcroit, vous êtes victime d’une gastro-entérite, la diarrhée entraine une déshydratation et de sérieux déséquilibres minéraux ! Le risque de contractions anarchiques augmente ! Alors, si vous êtes malades, si vous avez de la fièvre, plus qu’inutile, l’entraînement devient dangereux ! Reposez-vous ! Reprenez progressivement 3 à 4 jours après la disparition des symptômes !


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