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LE SYNDROME DU TRAILEUR CITADIN

  • secretariatdocteur4
  • il y a 3 jours
  • 6 min de lecture

Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport

 

François a 43 ans. II habite dans le 15ème arrondissement à Paris, non loin des quais des Seine. Les voies sur berges piétonnisées constituent son spot de course à pied. Au petit matin, il file vers l’est pour savourer le lever du soleil dans l’axe du fleuve. Plus beau que les éclairages nocturnes énergivores, il contemple les monuments de la capitales rougeoyer au gré de la puissance croissante de notre étoile. Parfois, il fait un détour sur les pentes du Trocadéro, en face de la tour Eiffel. En effet, depuis qu’il a coché toutes les cases de la course sur route du 10 kilomètres au Marathon, il s’est mis au trail et cherche du relief sur ses parcours. Il a bien progressé sur les épreuves d’ile de France et a même validé le 80 kilomètres de L’Ecotrail. Le week-end dernier, il s’est lancé sur une distance équivalente au départ de Chamonix, dans les Alpes. Et, il vient me voir car il souffre des deux genoux !




 

Le Doc : François ! Votre histoire évoque une rotule forcée sur syndrome du traileur citadin ! Et votre examen clinique est tout à fait caractéristique. Nous allons faire une IRM pour le confirmer et surtout pour quantifier l’inflammation voire les lésions de votre cartilage.  Il s’agit d’un tableau clinique assez fréquent chez mes coureurs parisiens …

 

François : Expliquez moi ! Pourquoi ma rotule ? Quel rapport avec Paris ?

 

Le Doc : La rotule, vous le savez, est le petit os en avant du genou. Il s’intègre au tendon qui relie la tibia au gros muscle de la cuisse. Il se comporte comme un renfort aux zones de compressions maximum. Dans le côte, le muscle se contracte puissamment et écrase la rotule qui doit continuer à coulisser dans la couloir osseux du fémur.

 

ROTULE FORCEE : UNE BLESSURE FREQUENTE DU TRAILEUR CITADIN

 

En descente, en plus, elle doit entrer et sortir rapidement de ce chenal sans percuter les rebords. Le cartilage de votre rotule n’était pas prêt pour encaisser autant de contraintes … Vos muscles manquaient d’entraînement spécifique sur le relief pour guider harmonieusement votre rotule. Avec la fatigue votre petit os a frotté et s’est cogné sur les berges de la concavité osseuse du fémur …

 

François : Pourtant, j’essaye de trouver du dénivelé. A l’approche des trails, je passe systématiquement par le Trocadéro. Sur mes sorties longues, je vais jusqu’à la butte Montmartre ou au Parc Saint Cloud. Lors de ma préparation, à deux reprises, je suis même allé à Fontainebleau faire le tour de 25 bosses sur le massif des trois pignons.  

 

Le Doc : C’est bien de tendre vers plus de spécificité mais les dénivelés que vous me citez sont faibles voire dérisoires. Ils ne parviennent pas à reproduire les contraintes tissulaires et fonctionnelles de la course en montagne. De la seine au sommet du Trocadéro on prend environ 20 mètres d’altitude … La butte Montmartre depuis Pigalle, c’est à peine 100 mètres. Vous passez à 130 mètres pour le Parc Saint Cloud. Quant aux 25 bosses, le cumulé monte à 800 mètres. L’inadaptation de ces séances tient à plusieurs paramètres. Premièrement, la discontinuité des sollicitations. Les montées ou les descentes sont trop courtes pour obtenir une réelle fatigue spécifique.

 

RELIEF PARISIEN TROP COURT, TROP FAIBLE, TROP FACILE

 

Deuxièmement, les pentes sont trop faibles. Les angles articulaires et l’intensité du travail musculaire ne sont pas identiques. Et surtout, troisièmement, les difficultés techniques sont incomparables. Le manque de fluidité gestuelle, le travail de freinage excessif de l’urbain dans les descentes consomment un maximum d’énergie, épuisent les muscles et accroit considérablement les contraintes articulaires !

 

François : Alors, comment faire ?

 

Le Doc : D’abord nous allons vous soigner puis nous ferons en sorte d’éviter la récidive ! Vous souffrez d’une sérieuse irritation articulaire. Vos globules blancs nettoient les déchets et grignotent aussi les tissus sains. Le processus c’est emballé. Il faut prendre des anti-inflammatoires traditionnels et à base de plantes pour une action douce plus prolongée.

 

REDUIRE L’INFLAMMATION, AIDER LA CICATRISATION

 

Et, selon l’évolution, nous aviserons sur l’opportunité d’une infiltration, d’un lubrifiant articulaire appelé acide hyaluronique. On pourra aussi envisager une injection de plaquettes ou PRP. Dès à présent, pour accompagner votre récupération et votre adaptation articulaire, je vous prescrit des compléments alimentaires, véritable matière première du cartilage : du collagène, du silicium, de la chondroïtine et de la glucosamine.

 

François : Et le sport ! Je dois arrêter ?

 

Le Doc : Non, vous allez garder la forme. Dans un premier temps, on va mettre en place un protocole de récupération active. C’est physiologiquement cohérent après cette grosse compétition … et vos rotules vont apprécier. En pratique, je vous propose de mouliner à vélo, entre 80 et 100 tours par minutes sur une résistance modérée. Ce geste rapide et léger lisse le cartilage de la rotule. Les variations de pressions à haute fréquence permettent l’oxygénation et la nutrition de ce tissu non vascularisé.

 

RECUP ACTIVE : VELO MOULINE, NATATION, MARCHE BATONS

 

Au début, le home-trainer assure un dosage bienveillant des contraintes indépendamment du relief et du vent. Vous pouvez aussi nager tranquillement. En crawl, l’absence de flexion de genou évite l’écrasement articulaire. A la sensation, vous pouvez intégrer un peu de brasse. Le mouvement de flexion extension sans contrainte de poids mécanise le cartilage en douceur. Et, loin des poncifs, sachez que la brasse de loisir pratiquée avec des genoux de morphologie normale n’est pas délétère pour cette articulation. Bien évidemment, vous avez la possibilité de renouer avec les bains de nature. Je vous invite à aller marcher avec des bâtons. La propulsion assurée par les bras réduira d’autant les sollicitations de vos jambes. Vos rotules vont vous remercier. De surcroit, c’est un excellent exercice de gainage, très fonctionnel et spécifique, bien plus efficace que la planche ! Et, limitez le relief pendant au moins 3 semaines.

 

François : Mais, je ne prends jamais de bâtons ! Je n’aime pas ça … je ne sais pas m’en servir !

 

Le Doc : Et bien je crois qu’il faut apprendre ! Leur utilisation est l’une des recommandations pour prévenir le « syndrome du traileur citadin ». En compétition, en côte comme en descente, il limite considérablement les contraintes sur les genoux. Et, pour s’en servir efficacement en montagne, il faut les apprivoiser à l’entraînement ! Il est indispensable d’apprendre à pousser, freiner et s’équilibrer.

 

APPRENDRE A UTILISER LES BATONS

 

Il s’agit d’une éducation technique et d’une adaptation physique incontournable … à enclencher au moins une fois par semaine … pas avenue Mozart … mais au Parc Saint Cloud ou dans la forêt de Clamart ! Il est même possible de faire des squats instables sur une jambe, le pied posé sur un coussin gonflable, en poussant sur des bâtons à embouts caoutchouc. Je vous suggère également de faire du tirage avec des sangles de suspension. A la salle, le Ski Erg est idéal pour un mouvement vertical alternatif ou simultané. L’elliptique, en engageant les bras, opte pour une propulsion plus horizontale. Sur le portique à poulie, des fentes associées à du tirage reproduisent bien la sollicitation des bras à hauteur variable. 

 

François : Vous m’avez presque convaincu ! Je vais essayer ! Avez-vous d’autres conseils ?

 

Le Doc : Oui bien sûr ! Le cardio en salle est une bonne méthode pour travailler son mental et la côte en continu ! Un de mes patients préparant la « diagonal des fous » passait 3 heures sur l’escalier. Néanmoins, vous pouvez alterner avec du tapis en côte ou du stepper pour faire varier la flexion de genou comme sur terrain naturel. Pour la descente, c’est plus compliqué.

 

EN SALLE : ESCALIER, STEPPER, TAPIS EN COTE

… LONGTEMPS !

 

Certaines salles disposent de plates-formes vibrantes, les fameuses power plate. Sur ces machines, il est possible de garder la posture de squat ou de fente pendant plusieurs minutes. Le micro travail de freinage à haute fréquence adapte le tissu musculaire au dénivelé négatif et limite les courbatures.

 

ESCALIERS : IMMEUBLE, BUILDING, TOUR EFFEL.

 

Personnellement, je crapahute sur les sept étages de mon immeuble avec un gilet lesté. J’aime bien croiser mes voisines qui me prennent pour un extra-terrestre ! Avant les épreuves je me tape souvent la Tour Effel. C’est emblématique et ludique !

 

François : Mais j’y pense ! Je travaille dans la Tour FIRST à la Défense. Elle compte 50 étages. Je vais utiliser les escaliers !

 

Le Doc : Excellente idée à ritualiser ! L’entraînement c’est aussi de la créativité ! Attention, pas tout de suite … et progressivement !

 

François : je ferai surtout la descente en fin de journée …

 

Le Doc : Et puis rien ne vaut la spécificité ! La montagne pour se préparer à la montagne ! Il y a bien sûr les vacances … si la famille est d’accord pour les Alpes ou les Pyrénées. Attention de ne pas vous y brûler les ailes : entraînement croisé indispensable avec en alternance : course, rando, vélo … et journée de repos !

 

VACANCES ET WEEK-END EN MONTAGNE :

COURSE, RANDO, VELO, REPOS  

 

Dans le même esprit le « week-end choc » reste une bonne option. Toujours avec des activités variées et complémentaires. Après un samedi de randonnée, vous pouvez même programmer un trail court avec dossard … mais à vitesse trail long … Bref, une vraie compétition préparatoire !

 
 
 

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