Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport
Rédacteur en chef de www.docdusport.com
A l’occasion de vos périples, vous protégez vos pieds, vous leur offrez des chaussures montantes pourvues de grosses semelles épaisses ! Et s’il s’agissait d’un douloureux cadeau empoisonné ! Vous pouvez leur faire plaisir et les soulager en leur rendant un peu de liberté !
Robert me consulte car elle a mal au pied dans la vie de tous les jours mais aussi en randonnée malgré un bon équipement. Au quotidien, il porte de beau mocassin à semelles cuir et bois. Pour crapahuter le week-end, il s’est offert un modèle de marche en montagne haut de gamme. Rien n’y fait ! A l’entretien, on décèle d’emblée qu’il est plus à l’aise à son domicile quand il déambule pieds nus. A l’examen, son pied est creux avec de petites bosses osseuses au sommet de l’arche plantaire. En docteur, on parle de « tarse bossu » pour caractériser cette arthrose centrale. Lors de la mobilisation, on perçoit une raideur globale du puzzle osseux de son pied constitué de 26 pièces, reliés par 112 ligaments. Les 34 muscles qui les animent semblent sidérés, hypotrophiés, fibrosés.
LE PIED : 26 OS, 112 LIGAMENTS, 34 MUSCLES ET 7200 CAPTEURS A LIBERER ET A FAIRE FONCTIONNER !
Ses 7200 récepteurs nerveux n’apportent plus de renseignement concernant la position ou le mouvement. Ils se contentent de véhiculer des informations d’hyperpressions douloureuses ou des influx anarchiques de remplacements particulièrement désagréables. On parle de « désafférentation ». Robert m’énonce spontanément : « J’ai envie qu’on me fasse claquer tout ça pour assouplir mon pied ». Je lui prescrit de la kiné spécialisée pour mobiliser et masser l’ensemble de ses tissus. Je lui donne des conseils de chaussage … Son pied va se reconditionner. Il va ressusciter et redevenir indolore !
Intelligent comme un pied minimaliste !
Le pied du randonneur enfermé dans une grosse chaussure épaisse et rigide n’a pas beaucoup à réfléchir. A la manière du pilon d’une jambe de bois, il assure la stabilité et transmet la force de propulsion. Sa structure se fige et son fonctionnement se dégrade insidieusement. Si la semelle de ses richelieus urbaines est tout aussi dure, sa vie quotidienne de lui apportera guère de soulagement. Les chaussures minimalistes possèdent une semelles plate, fine et très souple. Elle permet une mise en tension du mollet et du tendon d’Achille favorisant une propulsion naturelle. Elle peut se rouler et se vriller sans difficulté. Les crans externes permettant l’accroche suivent l’anatomie osseuse du pied. Sur certains modèles la coque de caoutchouc remonte légèrement à l’avant des orteils assurant un minimum de fonction pare-pierre. Elles sont très larges à l’avant autorisant l’étalement physiologue des baguettes osseuses qui prolongent les orteils, le fameux « clavier métatarsien ». Cette forme évasée à la face antérieure de la chaussure porte le nom de « toes box » ou « boite à orteils ». Elle n’individualise pas un emplacement pour chaque orteil tel qu’on le voit dans les « Five Finger » emblématique d’un minimalisme forcené. L’empeigne recouvrant le pied et le contrefort entourant le talon restent souples. Les lacets sont souvent élastiques.
CHAUSSURE MINIMALISTE : SEMELLE SOUPLE ET PLATE, CRANTAGE ANATOMIQUE, LARGE BOITE A ORTEIL, EMPEIGNE ET CONTREFORT MOUS
Ce type de chaussure permet aux 26 os, 112 ligaments, 34 muscles et 7200 capteurs nerveux de retrouver une fonction source de bien-être et d’efficacité. Ainsi chaussés, les tiges montantes stabilisant la chevilles deviennent l plus souvent inutiles. En effet, semelle souples et puzzle osseux vont épouser les irrégularités de terrain évitant à la cheville d’être mise à contribution dans un secteur de mobilité latérale qui ne lui est pas dévolue. Mieux encore, ces micromouvements apporteront des tensions et des compressions informant le cerveau de la position du pied et sollicitant des réactions motrices de stabilisation bien avant que ne survienne l’entorse de cheville ! Les marques sportives de références sont MERREL et SAGARO. Une transition plus progressive peut-être envisagée grâce à des concepts intermédiaires tels qu’on les trouve chez ALTRA ou INOV 8.
La randonnée minimaliste : mode d’emploi !
Bien évidemment, la transition ne doit pas s’effectuer brutalement et en toutes circonstances ! En cas de douleur installées sur un pied figée, une kinésithérapie « avec les mains » doit accompagner le protocole de réhabilitation du pied. En pratique, il est bon de se balader pieds nus à la maison. Il est conseillé de commencer à utiliser les chaussures minimalistes pour aller chercher le pain puis à l’occasion de courte balade urbaines. Parallèlement, des modèles de ville plus confortables et plus souples vous apporterons adaptation et confort au quotidien.
PROGRESSIVITE : PIEDS NUS A DOMICILE, BALADE DANS LE QUARTIER, PROMENADE A LA CAMPAGNE PUIS RANDONNEE FACILE.
Pour les hommes comme pour les femmes, la marque allemande ZAQQ tente de réaliser de bons compromis. Il est de même pour l’entreprise américaine COLE HANN. Rapidement, les grandes balades à la campagne peuvent se faire en minimaliste. Le relief ne pose pas de problème. En hiver, il existe des modèles plus imperméable, plus épais et légèrement montant pour vous prémunir du froid et de l’humidité. Bien sûr, les treks engagés en zone escarpés et rocailleuses nécessitent toujours des chaussures de montagnes traditionnelles et protectrices. Néanmoins, votre pied les tolère bien mieux car, désormais, il entretient sa mobilité et sa fonction à l’occasion de grandes balades champêtres minimalistes !
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