Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
Benoît a 20 ans. C’est un bon footballeur. Il a même joué dans un centre de formation au football professionnel dans un grand club de province. Là-bas, il a aussi passé son bac. Il me consulte alors qu’il est de retour chez ses parents en banlieue parisienne. Il se plaint de douleurs aux « adducteurs », les muscles situés à l’intérieur des cuisses particulièrement sollicités chez les footballeurs. Dans son club, le médecin avait réalisé un bon bilan. À la radiographie et à l’échographie, les os, les articulations, les adducteurs et la paroi abdominale, tout était rassurant. Le repos et la rééducation ne l’avaient pas soulagé. Mon examen est quasi-normal mais Benoit est inquiet. Il réclame une IRM, je cède pour le rassurer. Encore rien à signaler !
Au fil des consultations, je montre Benoit à un posturologue, à un ostéopathe et même à un chirurgien. Rien n’y fait ! Aucune opération n’est bien sûr indiquée ! Alors, je tente d’approfondir le dialogue : « Benoit, je voudrais te suggérer une piste de réflexion. Et si cette douleur te permettait d’expliquer ton échec au centre de formation ? Et si tu ne souhaitais pas entendre que tu n’avais pas le talent nécessaire pour devenir « pro » ? Ton cerveau préférerait écouter, avec un peu trop d’attention, la plainte de ton adducteur. Ton tendon serait vraiment fragile mais indemne de grave blessure. Dans cette hypothèse, si tu continues à utiliser cette souffrance pour te justifier, tu ne guériras jamais ! Tu n’avanceras pas ! Qu’en penses-tu ? Je te laisse explorer cette piste ! Et on en rediscute ! » Quelques semaines plus tard, je l’ai revu pour signer sa licence dans un petit club. Il s’est aussi inscrit en fac d’économie. Désormais, il fait du foot pour le plaisir… et sans douleur. Quand je lui demande de ses nouvelles, il me répond les yeux pétillants de malice et presque humides : « Ça va super bien ! Mais le soulagement a été douloureux ! ».
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