Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sportRédacteur en chef de www.docdusport.com
Enfin des séances ludiques sur home trainer ! Et si derrière l’innovation des entraînements connectés se cachait des effets indésirables sur la santé ? Explications de votre médecin du sport et conseils préventifs !
Il n’y a pas si longtemps, les habitudes du cycliste se cantonnaient à une longue sortie dominicale. Rares étaient mes patients qui avaient le temps de rouler en semaine … et les courtes journées d’hiver sonnaient souvent le glas de bonnes résolutions estivales. Certains, encouragés par leur médecin du sport, empoignaient leur courage et grimpaient sur leur home-trainer de temps à autres. Pendant 30 minutes, ils moulinaient ou déroulaient quelques fractionnés, bercés par les mauvaises nouvelles de BFM.
ENFIN LE HOME TRAINER DEVIENT LUDIQUE !
Heureusement, pour la santé, la performance et le moral des cyclistes, les entraînements connectés sont venus ajoutés du plaisir et de l’assiduité ! Désormais, vous pouvez donner rendez-vous à vos amis pour pédaler ensembles dans les plus beaux spots cyclistes du monde !
ZWIFT a rythmé l’histoire de la médecine 😊 !
ZWIFT est né 2 fois ! Il est conçu en 2014 et commence son développement. Mais, c’est en mars 2020, qu’il voit réellement le jour en France ! A cette date, le virus de la COVID 19 impose à tous nos compatriotes de rester confinés ! Les cyclistes sont privés de leur bain de nature du week-end ! Ils perdent aussi les copains et la convivialité du club ! Ils risquent même de voir disparaître leur condition physique à quelques semaines des cyclosportives encore notées dans leurs agendas !
LE SYNDROME ZWIFT : UNE MALADIE VIRALE ?
Pour garder la forme et même pour occuper nos longues journées, le home-trainer s’impose ! La fenêtre de négociation avec le conjoint est optimale 😊 ! La situation est grave et autorise désormais l’installation d’un vélo dans la maison … pourquoi pas devant la télévision ! C’est alors que ZWIFT vous propose d’enfreindre toutes les règles étatiques ! Dans un monde figé et désocialisé, vous pouvez voyager à l’autre bout de la planète et rouler avec tous vos copains ! Si vous souhaitez prendre rendez-vous avec vous-même, pas de problème ! Si vous êtes épris de rigueur mathématique et informatique, pas de souci ! Ce même logiciel, vous concocte une série de fractionnés personnalisés.
EXCES DE FRACTIONNES ET DE COMPÉTITIONS : LA FACE CACHEE DE ZWIFT ?
Ils sont même quantifiés autour d’une nouveauté scientifique semblant assurer un maximum de crédibilité : la FTP 😊 ou Fonctionnel Threshold Power se traduisant par Puissance Fonctionnelle Tolérée pendant une heure. En effet, son inventeur, Frédéric GRAPPE a repassé à la moulinette les concepts d’entraînement fondés sur les pourcentages de PMA ou Puissance Maximale Aérobie en y insufflant un GRAIN 😊 de « temps de maintien » ! Une évolution pédagogique mais pas de révolution physiologique ! Toujours est-il que ces innovations motivent et favorisent une pratique régulière. De surcroît, si vous êtes en mal de confrontations, vos amis peuvent devenir vos adversaires à tout moment. Il est possible d’organiser des courses … pourquoi pas tous les jours ! Entre découverte du fractionné intensif et compétitions trop fréquentes, de nombreux ZWIFTEURS ont fini le confinement devant mon écran de vidéoconsultation …
Le syndrome Swift peut commencer par le genou …
Après quelques semaines de pédalages intensifs indoor, mes patients cyclistes reprennent contact avec moi. Ils décrivent souvent des douleurs à l’avant des genoux. Un entretien exhaustif et quelques tests devant la caméra suffisent à faire le diagnostic de « rotule forcée ». Ce petit os circulaire constitue un renfort du quadriceps à l’endroit où il s’écrase sur le fémur. Il sert de poulie lors de la contraction. Il frotte lors du mouvement d’extension du genou. Il est impacté lors des efforts de démarrage tels qu’on les voit à l’occasion des attaques dans le peloton. Sa face profonde est recouverte de cartilage, un tissu exceptionnel qui glisse et amorti mais connu pour sa fragilité.
LA ROTULE DU CYCLISTE : FUSIBLE DU SURENTRAINEMENT
En effet, il ne reçoit pas de vaisseau sanguin et s’alimente en absorbant l’oxygène et les nutriments venus de l’os sous-jacent. Bref, il peine à s’adapter à l’accroissement brusque des contraintes. Il est raboté et irrité ! Des microfragments se décrochent et provoquent un nettoyage excessif finissant par éroder les zones saines. C’est l’inflammation douloureuse. Le cartilage a besoin de temps pour se renforcer ; il progresse moins vite que le muscle qui est traversé par de nombreux vaisseaux sanguins. Désormais le syndrome ZWIFT se poursuit bien au-delà du confinement. Il prend parfois des allures de COVID LONG quand de nouveaux cyclistes découvrent avec trop d’enthousiasme le plaisir de pédaler trop intensément tous les jours !
ATTENTION A LA SURENCHERE DANS L’ULTRA
ATTENTION A LA BANALISATION DE « L’ETAPE DU TOUR »
La banalisation des gros challenges dans l’open-space de BOUYGUES participent à cette dérive ! Forts de cette nouvelle assiduité, en un an, ils pensent passer d’une sortie hebdomadaire à l’étape du Tour et ses 5000 mètres de D+ sous le cagnard ! Mais, l’inertie du corps est à l’origine de nombreuses désillusion, de grande souffrance le jour J voire de gros pépins de santé ! Malheureusement, contrairement à l’UTMB, il n’existe pas … encore … de cyclosportives intermédiaires nécessaires à l’inscription sur l’étape du Tour !
Le syndrome ZWIFT envahit l’ensemble du corps …
Tous les nouveaux convertis n’ont pas la chance de bénéficier du fusible de la rotule. Ces chanceux profitent d’un message de la nature et d’un traitement bienveillant associant réduction de charge, conseils techniques, compléments alimentaires et rarement quelques injections dans le genou. Les autres vont aller jusqu’à l’épuisement ! En effet, le surentraînement est plus fréquent chez les cyclistes que chez les coureurs. Ces derniers profitent souvent des microtraumatismes de chaque foulée pour se blesser.
LE CORPS A BESOIN DE TEMPS !
Chaque lésion est l’occasion d’une réduction de la durée ou de l’intensité des séances voire d’un peu de repos. Voilà qui constitue une bonne opportunité du destin pour récupérer ! Lorsque les pépins s’accumulent, le runneur finit par réfléchir à la philosophie de cette préparation inadaptée puis corrige le tir. Chez les adeptes du vélo, l’appareil locomoteur est moins malmené, il ne sert pas suffisamment de garde-fou. Epuisés, certains me consultent pour bénéficier de conseils concernant le cocktail de vitamines idéal ou le complément alimentaire miracle.
LE SURENTRAINEMENT : UNE MALADIE SERIEUSE !
Les plus lucides parlent de bilan de fatigue et d’altération des performances. Au-delà de l’entretien qui décrit le contexte du surmenage, l’examen clinique simple se révèle déjà très évocateur : une fréquence cardiaque et une tension artérielle de repos plus élevées que d’habitude, une récupération au test des accroupissements laborieuse malgré l’entraînement assidu. Le test d’effort cardiologique élimine une maladie du cœur mais confirme la dérive des données chiffrées et l’altération insidieuse des performances. La prise de sang met en évidence une élévation de l’hormone du stress, de la stimulation et de la destruction des tissus : le cortisol. En miroir, on constate une baisse de l’hormone sexuelle et de la construction musculaire : la testostérone.
LES VITAMINES ET LES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES NE SOIGNENT PAS LE SURENTRAINEMENT
Il est également possible de réaliser un dosage des neuromédiateurs dans les urines. On voit alors une dégradation de la production de sérotonine, de GABA et de dopamine. Le cerveau lui aussi est en panne sèche ! Lors du débriefing qui suit ces examens, les échanges se poursuivent. Notre cycliste parle encore électronique embarquée et avoue que sa Garmin l’a informé d’une diminution de sa variabilité cardiaque attestant d’un épuisement du système nerveux réflexe. Il évoque aussi son irritabilité voire quelques bouffées anxieuses. Il mentionne également son manque d’enthousiasme au quotidien et la chute de sa libido. Bref, le surentraînement est évident ! il est impératif d’enclencher la bonne stratégie thérapeutique avant de glisser vers la dépression !
TRAITEMENT DU SYNDROME ZWIFT : VELO ASSIDU EN DOUCEUR, BALADE DANS LA NATURE, AISANCE RESPIRATOIRE
Heureusement, face à ce tableau, pas de surenchère médicale pour mener au soulagement. Le traitement de la cause est suffisant ! Bien sûr le repos strict n’est pas la solution. Il faut réduire la charge de travail et surtout redonner plus de cohérence et de bienveillance au programme. La grande balade du week-end reste au programme mais le corps doit savourer l’accueil de l’aisance respiratoire, des jambes qui moulinent et la tranquillité de la campagne … et on arrête pour un moment les attaques dans les bosses ! Le home-trainer est encore présent dans l’agenda 2 à 3 fois par semaine. L’assiduité, la régularité ne sont que bénéfiques. Cependant la durée est limitée à 30 ou 45 minutes et l’intensité se cantonne à l’endurance fondamentale ! Et, très important 😊, on arrête les infos angoissantes de BFM … et on opte pour les jolis paysages et les visites apaisantes d’« Echappées belles ». Cette stratégie doit être poursuivie quelques semaines parfois plusieurs mois. Les délais varient en fonction de la profondeur de votre surentraînement. Votre médecin du sport vous guidera pour renouer progressivement à l’intensité. Il vous orientera vers un programme plus adapté conciliant santé et performance.
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