Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport et rédacteur en chef de www.docdusport.com
Emilie vient me voir. Elle a 43 ans. Elle joue au tennis passionnément. Elle a commencé alors qu’elle était à l’école primaire. Depuis plusieurs mois, elle est très gênée par une tendinite au coude appelée « épicondylite ». En tournoi, elle ne parvient plus à lâcher ses frappes et elle a des difficultés à terminer ses matchs. Elle a fait beaucoup de kiné et des infiltrations … sans succès ! Elle souffre toujours ! Elle a pris rendez-vous pour trouver d’autres solutions …
Le Doc : Après ces quelques mois de prise en charge inefficace, il est nécessaire de mettre tout à plat. Il faut notamment reconsidérer le diagnostic. Il existe un adage en médecine du sport qui dit que « Toute douleur du coude chez un tennisman est un épicondylite … si vous n’avez pas peur de vous tromper une fois sur dix ! ». Bref, il est indispensable que je vous interroge et que je vous examine de façon consciencieuse à la recherche d’un « diagnostic différentiel ».
TENNIS ELBOW QUI DURE : RECHERCHER LES DIAGNOSTICS VOISINS
En effet, il existe de nombreuses blessures qui ressemblent à des « épicondylites » mais qui ne sont pas des épicondylites ! Il faut notamment penser à éliminer : un nerf comprimé au coude … ou dans le cou et irradiant dans le bras, des lésions du cartilage notamment par impaction, des membranes articulaires ou des petits ménisques coincés, des micro luxations du radius, sans oublier des muscles des avant-bras hypertrophiés puis étouffés dans un sac fibreux trop serré.
Emilie : Ah, oui ! Cette analyse complète des symptômes me va bien ! Ca me parait nécessaire !
Je pause toutes les questions nécessaires à Emilie. J’examine son coude de façon exhaustive. Je regarde ses radios, son échographie et son IRM. On peut exclure l’ensemble des diagnostics différentiels, il s’agit bien d’une épicondylite, à savoir une lésion de chaine musculaire des extenseurs du poignet et des doigts, au niveau du tendon qui s’accroche sur le coude.
Le Doc : Emilie, je vous propose de programmer un PRP pour « Plasma Riche en Plaquettes ». Le radiologue vous fait une prise de sang. Il centrifuge le prélèvement et récupère la hauteur correspondant à vos plaquettes. Vous le savez, ces dernières sont les petites cellules qui s’agglutinent sur les plaies pour combler la brèche. Elles attirent nos cellules souches qui savent tout faire et reconstituent le tissu local avec ses spécificités.
INJECTION DE PLAQUETTES : UNE COLLE BIOLOGIQUE DANS LES FISSURES TENDINEUSES
Désormais, sous contrôle échographique, on sait vous les réinjecter exactement dans les fissures tendineuses. C’est naturel ! On peut considérer qu’il s’agit d’une colle biologique … qui relance la cicatrisation comme si le traumatisme venait de survenir. Les conditions s’avèrent même plus favorables car la technique reproduit un saignement bien plus abondant que dans ce genre de blessure. Simultanément, je vous prescris des compléments alimentaires et des crèmes. Collagène et silicium sont particulièrement indiqués pour favoriser la reconstitution tendineuse.
Emilie : ça me semble une bonne idée ! J’aime bien le concept ! Combien de temps dois-je m’arrêter ?
Le Doc : Le repos du poignet est un peu plus prolongé qu’à l’issue d’une infiltration car on enclenche une véritable cicatrisation ! Les plaquettes vivent 10 jours. Il faut les laisser travailler tranquillement ! Au cours de cette période, je vous mets une attelle à velcro immobilisant votre poignet en légère extension afin de placer le tendon en position relâché. Vous pouvez pianoter sur votre ordi ! Pas de souci ! En revanche, pas de port de charge, de ménage, de bricolage ou de jardinage … et encore moins de tennis. Mais rassurez-vous, vous pouvez faire du sport. Préparation physique, renforcement des jambes, travail du placement sur le terrain sont les bienvenus. Vous pouvez même travailler les membres supérieurs … à condition de rien serrer avec la main. Beaucoup d’appareils de musculation guidée fonctionnent avec des appuis sur les bras. Je pense notamment au Butterfly et au Rowing.
PENDANT 10 JOURS : REPOS DU POIGNET ET ATTELLE EN EXTENSION
SANS OUBLIER PRÉPA PHYSIQUE, MUSCU ÉLASTIQUE ET VISUALISATION
Il est possible et même conseillé de réaliser des exercices plus fonctionnels, plus spécifiques du tennis avec des élastiques ou des poulies. Il suffit alors de ne pas tenir la poignée… mais de la placer autour de l’extrémité de l’avant-bras ! Vous avez même l’opportunité de bosser votre technique grâce à vos « neurones miroirs ». Quand vous regardez quelqu’un faire un mouvement proche de vos schémas moteurs, il a été démontré que vous enclenchiez un réseau cérébral de coordination voisin mais sans l’exprimer sur le plan gestuel. Le processus fonctionne encore mieux si vous esquissez l’action ! Alors, regardez des vidéos de match … et vivez la rencontre !
Emilie : Intéressant ! De cette manière, je garde vraiment le forme malgré mon traitement ! … Et après les 10 jours, je reprends ?
Le Doc : Non, il faut encore guider la cicatrisation … elle dure 3 à 6 semaines ! Mais tout est négociable, la biologie est une science inexacte … Un professionnel peut se contenter de ces 10 jours d’accalmie si son calendrier lui impose d’enchainer avec un gros tournoi … il sera un peu soulagé … mais recommencera la procédure complète à l’intersaison. Je vous décris le protocole idéal, conforme aux données scientifiques actuelle. Il permet d’optimiser la récupération tissulaire. De J10 à J21, vous quittez l’orthèse de poignet rigide et vous la remplacer par une coudière élastique dans la vie quotidienne. J’aime bien l’EPITRAIN de BAUERFEIND.
J10 A J21 : COUDIERE, AUTORÉEDUCATION RAQUETTE et KINÉ DOUCE
Sa texture élastique et ses renforts viscoélastiques permettent un massage des tendons latéraux. Surtout, la circulaire à velcro située en haut de l’avant-bras permet de détendre l’insertion haute et se comporte comme un point d’amarrage supplémentaire qui encaisse une partie des contraintes en traction. Ainsi équipé, vous pouvez assumer une vie quotidienne normale. Vous pouvez faire de l’autorééducation quotidienne orientée tennis. Pour cela, pendant 3 à 10 minutes, je vous invite à utiliser votre raquette pour réaliser lentement et à vide l’ensemble des gestes spécifiques. De cette manière, les fibres cicatrisées vont s’orienter doucement dans l’axe des contraintes inhérentes à votre sport. On parle de « mécanisation ». Ce protocole peut s’accompagner de kinésithérapie incluant des massages, des étirements doux et du freinage léger.
Emilie : Cette fois … Je reprends le tennis !
Le Doc : Oui ! Mais progressivement ! On se revoit aux alentours de J21. Si les tests simples de consultation ne provoquent pas de douleur, on passe à la vitesse supérieure. Vous allez faire de la « rééducation spécifique sur le terrain ». Alors que vous enlevez la coudière dans la vie de tous les jours, vous la remettez pour le sport. De J21 à J28, vous terminez vos séances de prépa physique par quelques échanges dans le petit carré.
J21 A J45 : ÉDUCATIFS SUR LE PETIT CARRÉ JUSQU’A ÉCHANGES SOUPLES
Il s’agit d’éducatifs aux cours desquels votre geste est programmé et anticipé, sans piéger vos schémas moteurs. La durée de cette session augmente au cours de la semaine. De J28 à J35, poursuivez ce travail dans le même esprit, mais sur la totalité du terrain. De J35 à J42, renouez avec du jeu … mais sans compter les points, sans aller chercher les balles impossibles ! A l’issue, on débriefe et on envisage le retour à la compétition !
Emile : A 6 semaines, c’est bon ?
Le Doc : Oui ! Cette fois, c’est bon ! Mais j’attire votre attention sur quelques détails pour éviter la récidive ! Il est désormais impératif de rechercher les causes de cette blessure afin d’y remédier ! Le plus souvent, il s’agit d’un changement physiologique, technique ou matériel. Par physiologique, on entend « charge de travail ». Au tennis, ce surmenage coïncide le plus souvent avec des tournois. Ces derniers imposent de brusque augmentation des heures de pratique. A l’approche de la saison, il est recommandé d’accroître progressivement la durée des entraînements pourquoi pas en prolongeant avec de la musculation guidée et fonctionnelle ou du cardiotraining sollicitant les jambes et les bras notamment du rameur ou de l’elliptique. Une modification technique vient parfois solliciter intensément vos tendons. Ce peut être rompre avec le revers à deux mains systématique pour bénéficier d’une allonge supplémentaire.
TRAITER AUSSI LES CAUSES : SURCHARGE, MODIFICATIONS TECHNIQUES OU MATÉRIELLES INADAPTÉES OU TROP RAPIDES
Le revers à une main permet plus d’indulgence dans le placement mais l’impact de la balle est assumé en totalité par les épicondyliens ! Il leur arrive d’être un peu surpris à l’occasion de ces programmes pédagogiques. Parfois, c’est un gros travail du lift au service qui met en tension ces structures plus que de raison. Bien sûr, tous ces améliorations techniques ne sont pas interdites. Elles doivent juste s’instaurer dans la durée. Il faut proscrire les séances centrées sur la modification d’un geste … Il est essentiel pour la santé articulaire et l’assimilation psychomotrice de distiller ces changements à l’occasion de quelques minutes par entraînement pendant au moins 6 semaines. On retrouve le temps d’adaptation tissulaire ! Il est également conseillé de passer en revue d’éventuels changements dans le matériel. Les plus classiques sont l’augmentation de tension du cordage, la variation de la circonférence du grip, une nouvelle raquette plus rigide ou plus lourde en tête … Humilité et progressivité sont dans le domaine incontournables !
Emilie : Ouah ! Toutes ces remarques raisonnent bien ! Je me reconnais sur de nombreux paramètres ! Je vais m’atteler à tous ces réglages …
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