Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport,
Le PRP ou Plasma Riche en Plaquettes est de plus en plus utilisé pour traiter les lésions de l’appareil locomoteur du sportif. De quoi s’agit-il exactement ? Comment ça marche ? Quelles sont meilleures indications ? Et surtout, à quelles autres stratégies thérapeutiques l’associer pour plus d’efficacité ?
Les plaquettes sont de minuscules fragments de cellules qui circulent dans notre sang. Elles s’agglutinent sur la paroi des vaisseaux sanguins abimés en cas de plaie, d’entorse ligamentaire ou de claquage musculaire. Pour décrire ce processus cellulaire, on parle d’agrégation plaquettaire. Cette dernière s’associe à un phénomène moléculaire appelé coagulation au cours duquel bon nombre de protéines du sang se rigidifient et s’enchevêtrent. Agrégation plaquettaire et coagulation agissent en synergie pour former un caillot et stopper l’hémorragie. Le rôle des plaquettes ne s’arrête pas là. Elles sont pleines de facteurs de croissance qui se déversent au cœur de la lésion. Ces éléments stimulent les cellules au voisinage de la blessure afin qu’elles se multiplient et réparent les tissus environnants. Pour palier à l’urgence, les fibroblastes sont mis à contribution.
LES PLAQUETTES SONT VOS PETITES CELLULES QUI S’AGGLUTINENT EN CAS DE PLAIE
Comme leur nom l’indique, ils sont à l’origine d’un tissu fibreux qui colmate bien la plaie mais ne restaure pas parfaitement les caractéristiques mécaniques initiales de la zone traumatisée. Les sportifs connaissent bien ce phénomène car ils sont souvent gênés par des cicatrices trop rigides et manquant d’élasticité. Parmi les molécules présentes dans les plaquettes, on trouve également des substances qui attirent les cellules souches. Chez l’adulte, ces dernières sont mises en réserve dans la moelle osseuse essentiellement au niveau du bassin. Un peu comme des cellules d’embryon, elles sont capables de se programmer pour reconstituer n’importe quel tissu, en fonction des messages de l’environnement biologique qui les accueille. Grâce à leur participation, le tissu de cicatrisation gagne en spécificité. La plaie cutanée redevient une peau normale et non pas une balafre épaisse et rétractée. Il est de même pour un ligament, un tendon ou un os qui retrouvent les qualités mécaniques nécessaires au bon fonctionnement de l’appareil locomoteur.
Un PRP, qu’est que c’est ?
Vous le savez PRP signifie Plasma Riche en Plaquettes. Pour l’obtenir, votre médecin vous fait une prise de sang, il prélève un plus grand tube que pour un examen biologique traditionnel. Le récipient est placé dans une centrifugeuse. De cette manière, les éléments du sang s’échelonnent en fonction de leur poids. Le kit permet de récupérer la hauteur correspondant aux plaquettes. Sous échographie ou sous radiographie, votre thérapeute les injecte à l’endroit de la lésion. Il peut s’agir de la cavité articulaire en cas d’arthrose ou d’une fissure si vous souffrez d’un ménisque usé, d’une tendinite ou d’une entorse.
LE PRP FORME COMME UN CLOU TISSULAIRE AU CŒUR DE LA LÉSION
En effet, le PRP forme comme un clou tissulaire qui vient combler le vide laissé au niveau de votre blessure. Les plaquettes s’agglutinent les unes aux autres et rétablissent la continuité. Les protéines qu’elles libèrent stimulent les cellules avoisinantes, essentiellement les fibrocytes. Ces derniers produisent des fibres de collagènes qui font un pont solide entre les berges de la lésion. Les plaquettes attirent aussi les cellules souches qui vont se différencier afin de reconstituer le tissu d’origine apte à assumer les contraintes mécaniques spécifiques.
Quelles sont les indications du PRP
Un tendon est une cordelette fibreuse reliant un os et un muscle. Il transmet la force de contraction pour mobiliser une articulation. Une souffrance de cette structure porte le nom de tendinite ou plus exactement de tendinopathie. Quant à lui, le ligament relie à un os à un autre os en passant par-dessus une articulation dont il contrôle le mouvement. Sa lésion s’appelle une entorse. Le premier est plus rigide que le second mais leur composition moléculaire et leur organisation tissulaire sont voisines. Lorsqu’ils se fissurent ou se déchirent partiellement, les PRP permettent souvent d’optimiser la cicatrisation. Disons-le d’emblée, la blessure récente ne constitue pas une indication idéale. En effet, dans ces circonstances, la blessure vient de saigner et la nature vous a apporté son PRP naturel, à savoir une hémorragie riche en plaquettes.
LA BLESSURE RÉCENTE N’EST PAS L’INDICATION IDEALE DU PRP
Dans le même ordre d’idée, vous savez que les muscles présentent une couleur rouge car ils son traversés de nombreux vaisseaux sanguins qui leur apportent l’oxygène et l’énergie nécessaires à la contraction. De fait, vous comprenez pourquoi les claquages saignent abondamment. Et vous en déduisez que les PRP se montrent sans grand intérêt sur ce type de lésion. A contrario, un ligament et surtout un tendon sont des cordelettes blanches faiblement vascularisées. Les lésions saignent peu et les PRP se révèlent souvent efficace notamment longtemps après le traumatisme quand la cicatrisation s’essouffle un peu. Dans ces conditions, le PRP apporte bien plus de plaquettes que la blessure initiale. Et, de surcroit, tout se passe comme si le PRP réenclenchait localement les conditions d’une lésion récente avec invasion de fibroblastes et surtout de cellules souches. Les processus de réparation sont abondamment réactivés et mènent fréquemment à la guérison après une à trois injections.
LE PRP RELANCE UN PROCECUS DE CICATRISATION QUI S’ESSOUFFLE
Les tendons d’Achilles, rotuliens, de l’épaule ou du coude font partie des indications les plus fréquentes. Les études mentionnent une efficacité variable. Ces résultats s’expliquent par des kit différents contenant plus ou moins de plaquettes, des opérateurs plus ou moins expérimentés, des protocoles de rééducation et des programmes de reprise sportive hétérogène et parfois insuffisants ! Mon expérience est bien plus optimiste. J’obtiens même d’excellent résultats dans la cicatrisation du ligament croisé antérieur alors que cette blessure traîne l’image d’une indication chirurgicale formelle ! (Voir l’article : Rupture du croisé antérieur : un nouveau traitement).
LE PRP MARCHE BIEN EN CAS DE RUPTURE PARTIELLE DU CROISÉ ANTÉRIEUR
Afin de maximiser les chances d’accolement des deux portions ligamentaires, il est possible d’utiliser un kit contenant à la fois du PRP et de la thrombine. Cette dernière est une molécule essentielle à la coagulation, le phénomène moléculaire qui arrête le saignement et forme le premier réseau microscopique reliant les berges de la lésion. Vous l’avez lu, ce processus s’inscrit en complémentarité biologique avec l’agrégation plaquettaire que l’on peut qualifier de phénomène cellulaire lui aussi à l’origine du caillot. Les patients de plus de 40 ans victimes d’une usure de ménisque sont également rapidement soulagés grâce à l’injection d’un PRP dans la fissure horizontale qui caractérise cette lésion.
LES LÉSIONS MÉNISCALES DU SPORTIF MATURE CONSTITUENT UNE BONNE INDICATION
Cette zone se situe en périphérie méniscale et ne ressemble pas du tout à la fracture verticale du ménisque retrouvée chez le jeune sportif pratiquant une discipline avec changements de direction. Ce traumatisme ne constitue pas une bonne indication du PRP car la lésion est trop loin des vaisseaux et ne peut pas cicatriser. Vous le savez, l’arthrose c’est l’usure du cartilage, une substance lisse qui recouvre les os au niveau des articulations. Ce tissu cicatrise très difficilement car les cellules ne se multiplient pas ! C’est dans cette optique que le PRP peut s’avérer contributif pour contribuer à une modeste reconstitution du cartilage. Il est probable qu’un tissu fibreux comblent une partie des irrégularités et il est possible que quelques cellules souches attirées sur les lieux deviennent des chondrocytes, nom scientifique donné à une cellule de cartilage. Il est également probable qu’en relançant un processus de cicatrisation plus harmonieux, le PRP apaise l’emballement inflammatoire qui caractérise la poussée d’arthrose. Dans cette indication, je l’utilise souvent en remplacement d’une infiltration d’anti-inflammatoire stéroïdiens, les fameux corticoïdes. Vous connaissez peut-être la « viscosupplémentation ». Il s’agit de l’injection intra-articulaire d’une substance huileuse et amortissante. Ce produit visqueux ressemble à la synovie naturelle qui lubrifie votre articulation. Cependant, il existe une différence intéressante : les molécules sont beaucoup plus grosses. Ainsi, leurs propriétés de roulement et de glissement sont nettement améliorées au grand bénéfice de votre mobilité articulaire. Ce geste thérapeutique peut être aisément s’associer au PRP grâce à des kits de mélange spécifique. Dans ces conditions, il semblerait ce produit gélatineux injecté simultanément prennent de la place dans l’articulation, repoussent les plaquettes et favorisent leur adhérence sur les surfaces articulaires. Personnellement, j’utilise le plus souvent cette stratégie thérapeutique synergique.
Quelles stratégies thérapeutiques associer au PRP ?
Si le PRP relance efficacement les processus de réparation, une prise en charge inadaptée dans les suites fait glisser vers écueils opposées. Première option, une reprise sportive trop rapide et trop précoce qui brise l’opportunité d’une véritable reconstitution tissulaire de qualité ! La cicatrice est trop fragile ! Seconde option, un repos trop prolongé sans mise en contrainte progressive. Cette fois la jonction est fibreuse et enchevêtrée. Elle colle aux tissus voisins. La cicatrice est trop rigide !
UN PRP, RIEN QU’UN PRP : C’EST INUTILE !
Les plaquettes mettent environ 10 jours à s’agréger et à former les ponts tissulaires. Au cours de cette période, il est d’usage de limiter au maximum les contraintes mécaniques sur la lésion. La vie quotidienne est possible. Néanmoins il faut éviter de grimper les escaliers et d’arpenter les couloirs du métro. Alors, trouvez la formule qui vous convient : ascenseur, voiture, télétravail, RTT ou arrêt de travail en cas de traumatisme grave. Il est même envisageable d’enchainer deux à trois PRP à deux semaines d’intervalle pour grouper les périodes contraignantes et gagner du temps grâce à un unique protocole de reprise. Souvent, pour un problème au membre inférieur, vous enchainez natation avec puis sans pull boy, vélo, elliptique, trottinement, course, allonges, déplacements latéraux, appuis et enfin blocages.
APRES UN PRP, IL FAUT AMÉNAGER L’ENTRAINEMENT 6 A 12 SEMAINES
Le tout réparti sur 6 à 12 semaines, en fonction de l’ampleur des dégâts initiaux, des contraintes mécaniques inhérentes à la discipline, de votre âge … et du calendrier des compétitions qui vous tiennent à cœur ! Avec un médecin du sport sportif, on peut négocier et les grands principes biologiques sont un peu élastiques 😊 ! Comme l’activité physique progressive, la kinésithérapie contribue à la formation d’une belle cicatrice à la fois souple et solide ! Dès le 10ème jour, les massages sont les bienvenus. A ce même moment, commencent aussi les étirements doux alors que le travail de freinage et d’équilibre ne débute qu’après 3 semaines. Prenons l’exemple d’une fissure du tendon d’Achille qui traîne depuis 3 mois chez un coureur de fond de 42 ans. Si le PRP est réalisé au jour zéro (J0), de J0 à J10 marche minimum avec talonnette, crawl avec pull boy sans pousser au demi-tour et si sa piscine est facile d’accès. J10 à J15 : marche raisonnable sans talonnette, vélo de salle en aisance respiratoire et crawl. J15 à J21 : vélo de salle plus intense, elliptique facile, brasse. J21 à J30 : elliptique plus intense. J30 à J37 marche lente sur tapis en pente de 3 à 10%, trottinement sur place. J37 à J45 trottinement de 6 à 9 km/h pendant 5 à 30 mn. A ce stade, notre marathonien poursuit la mécanisation de son tendon en joggant à petite vitesse et travaille intensément son cardio à la piscine, sur vélo ou sur elliptique ! J60, il reprend les séances au seuil. J90, il renoue avec le fractionné notamment les accélérations et les décélérations du 30/30 … mais il garde en tête que ce type d’entraînement peut se faire désormais sur elliptique pour économiser votre appareil locomoteur et sans altérer ses performances ! Pour que notre fondeur bénéficie d’une belle cicatrice, des compléments nutritionnels sont les bienvenus. Le silicium est au tendon et au ligament ce que le calcium est à l’os, un minéral qui relie les fibres et leur confère une cohésion souple. Le collagène et l’acide hyaluronique sont d’autres constituants présents dans les tendons et les ligaments. Ces produits sont mieux connus en cosmétologie. En effet, un tendon abimé, avec des fibres dures et enchevêtrées, ressemble étrangement à une peau ridée …
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INFILTRATION OU PRP ? COMMENT CHOISIR ?
Une infiltration consiste à injecter dans la zone en souffrance des corticoïdes. Cette substance est un anti-inflammatoire puissant et efficace ! Cependant, il recèle plusieurs inconvénients. De façon logique, en réduisant l’inflammation, cette molécule inhibe les processus naturels biologiques initiaux qui succèdent à une blessure ; elle perturbe sérieusement la cicatrisation ! Bref, jamais d’infiltration sur des lésions récentes ! L’inflammation constitue également la première réaction à l’arrivée d’un microbe dans l’organisme. De fait, il existe un risque théorique d’infection dans l’articulation ou la zone infiltrée. En pratique, lorsque le geste est réalisé dans des conditions rigoureuse d’asepsie, cette complication est exceptionnelle. Les études indiquent une fréquence de 1 sur 50 000 ! Il s’agit d’ailleurs plus souvent d’un microbe qui circulait dans le sang et qui a profité d’une perte de défense localisée pour se multiplier ! Donc, pas d’infiltration quand vous êtes malades et fiévreux ! Plus ennuyeux, le corticoïde injecté à un endroit précis passe aussi dans la circulation sanguine et vient perturber la réaction immunitaire de tout l’organisme. En cette période de pandémie, je ne prescris pas d’infiltration à mes patients ! Autre souci, le cortisol est aussi une hormone du stress qui détruit les protéines de structure pour en faire du glucose et de l’énergie. Il participe à déliter les ligaments et les tendons ! Pas d’infiltration dans ces tissus ! Ceci dit, une infiltration de corticoïdes retrouve toute sa logique en cas d’emballement inflammatoire. Ces conditions existent si vous souffrez d’une poussée d’arthrose au cours de laquelle les globules blancs finissent par grignoter le cartilage sain. Ce geste est souvent pertinent à l’occasion d’une hernie discale rebelle essentiellement constituée d’œdème. Enfin, elle est envisageable si vous présentez une bursite, à savoir une grosse ampoule inflammatoire profonde, répondant à un frottement tendineux. Le PRP s’inscrit dans une logique inverse en stimulant la cicatrisation. Les anti-inflammatoires sont d’ailleurs contre-indiqués dans les jours qui suivent ce geste technique afin de ne pas entraver le processus naturel de reconstruction tissulaire. Et, vous le savez, en relançant les étapes harmonieuses de réparation, le PRP pourrait même freiner l’inflammation anarchique … un peu comme les corticoïdes mais sans les effets délétères ! Cependant, certains décrivent des hyper cicatrisations fibreuses à l’issu de cette technique. Dans mon expérience, et associé à une rééducation adaptée, je n’ai pas rencontré ce phénomène. Concernant les infections, pas de souci ! On peut même considérer que les plaquettes sont toujours injectées avec un peu de globules blancs qui sont là pour nous défendre contre les micro-organismes !
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