Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport et rédacteur en chef de www.docdusport.com
Sébastien a 42 ans. Il a repris le sport il y a 4 ans. Sa boite tournait bien. Les enfants avaient grandi et son ventre avait grossi … il s’est mis à pédaler ! A juste titre, il avait pensé qu’avec son surpoids, le vélo serait préférable à la course. Depuis, il a bien progressé. Il a minci. Il se fait plaisir en roulant et il a participé à quelques cyclosportives … Malheureusement, depuis quelques mois, il a mal au dos !
Le Doc : Sébastien, essayons de réfléchir. Peu de temps avant la survenue de vos douleurs lombaires qu’avez-vous fait de particulier ? Avez-vous aidé un copain à déménager ? Avez-vous débuté le CrossFit ? … ou plus classique, avez-vous changé de vélo ?
Sébastien : Oui, je me suis offert une belle machine en carbone qui se montre bien plus légère et plus réactive. J’ai peaufiné avec une étude posturale.
Le Doc : Les cote de votre vélo ont-elles été modifiée ? Vous avez une photo de votre nouvelle bête de course sur votre téléphone ? Montrez la moi …
… Ah oui ! Vous avez un gros drop … une belle différence de hauteur entre votre selle et votre cintre qui est beaucoup plus bas ! En toute honnêteté, ces réglages théoriques recherchant l’engagement et l’aérodynamisme sont faits pour de jeunes compétiteurs de haut niveau pourvus d’une bonne souplesse. Ils ne conviennent pas à des quadras ayant repris le sport depuis peu.
ATTENTION AU CHANGEMENT DE VÉLO
D’autant qu’un cadre réactif tel que vous l’appréciez est souvent plus rigide et transmets plus volontiers les vibrations à votre colonne vertébrale mise en tension par sa flexion antérieure.
Sébastien : C’est vrai que je me sens mieux quand je pose mes mains en haut du cintre ou que je me passe en danseuse. C’est encore plus flagrant lorsque je lâche le guidon et que je me dresse en creusant le dos dans les descentes. A l’inverse, incontestablement, je souffre plus en passant sur des revêtements irréguliers.
Le Doc : Je vais vous examiner de façon rigoureuse et nous allons faire une IRM lombaire afin d’éliminer un vraie lésions du rachis. Dans mon expérience, si vous ne parvenez pas à toucher vos pieds en vous penchant en avant sans plier les genoux, les critères théoriques de réglage du vélo ne vous conviennent pas.
RÉGLAGES THÉORIQUES SOUVENT INADAPTÉS AU QUADRA ET PLUS …
Par ailleurs, je suis convaincu qu’on ne trouvera pas d’hernie discale ni même d’autre blessure sérieuse. On verra juste des disques intervertébraux de 40 ans, un peu minces, secs et rigides. Les imageurs parlent de discopathies dégénératives dans leurs comptes-rendus … Mais ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave !
Sébastien : Alors que faudra-t-il faire ?
Le Doc : On prendra votre problème par les deux bouts ! La douleur survient lorsque les contraintes imposées à votre appareil locomoteur sont supérieures à ses capacités. Il faudra réduire les contraintes en modifiant les réglages sur votre vélo et il faudra augmenter vos capacités en gagnant en souplesse. Concernant ce dernier point, on va commencer par de la kiné notamment pour faire bouger les disques étages par étages en appuyant sur les vertèbres, on parle de « mobilisation segmentaire ».
ROULEAU DE MASSAGE POUR LES DISQUES ET LES FASCIAS
Les assouplissement habituels n’y parviennent pas ; ils sollicitent les zones indemnes sus et sous-jacente qui tentent de compenser jusqu’à souffrir à leur tour. Des massages énergiques et parfois douloureux peuvent être indiqués. Ils étirent les fascias, les grandes membranes fibreuses qui structurent notre corps et participent à cette enraidissement généralisé.
Sébastien : Et, moi je peux faire des exercices ?
Le Doc : Oui ! Bien évidemment ! Votre autonomie constitue même un objectif essentiel ! Le rouleau de massage prend aisément le relais des mobilisations segmentaires et des libérations de fascias. Les étirements analytiques muscles par muscles enseignés part votre kiné sont les bienvenus. Vous insisterez particulièrement sur les ischiojambiers. Ils sont situés à l’arrière de la cuisse. Leur raideur limite la bascule du bassin quand vous penchez en avant et surmène le bas de votre colonne !
PRÉPA PHYSIQUE DU CYCLISTE : ASSOUPLISSEMENTS, PILATES, YOGA
En les assouplissant, vous réduirez la sollicitation lombaire. Au-delà de ce stretching didactique, les nouvelles données scientifiques nous ramènent à des concepts de gain de mobilité plus globaux ! Le Pilates et le yoga peuvent prendre une place de choix dans la préparation physique du cycliste ! J’ajouterai un peu de collagène, d’acide hyaluronique et de silicium en compléments alimentaires pour accompagner l’adaptation discale et tissulaire.
Sébastien : Et les réglages du vélo ? Que me conseillez-vous ?
Le Doc : Remontez et rapprochez votre cintre … retrouvez au moins les cotes de votre ancien vélo sur lequel vous n’aviez pas mal. Une potence inclinable constitue une bonne option modulable en cette période d’ajustement. Avancez un peu la selle pour moins tirer sur le dos. Redressez un peu les cocottes pour prendre un appui plus franc et stabiliser votre buste.
REMONTEZ, RAPPROCHEZ LE CINTRE. AVANCEZ LA SELLE.
Peut-être pourriez-vous baissez la selle de quelques millimètres … Vos genoux ne devraient pas en souffrir et votre dos vous remerciera ! En effet, lorsqu’on manque de souplesse, le bassin oscille de droite à gauche pour faire descendre la pédale. La charnière lombaire se contorsionne et les disques hurlent de douleurs. Phil Burt, l’ergonome de l’équipe SKY, écrit dans son excellent bouquin : « La seule règle posturale, c’est qu’il n’y a pas de règle ! le confort est individuel ! ».
« LA SEULE RÈGLE POSTURALE : IL N’Y A PAS DE RÈGLE ! » : PHIL BURT, ERGONOME CHEZ SKY
Je ne peux que cautionner cette remarque tant la génétique, le passé sportif et les blessures de mes patients influent sur leur position idéale … Sans compter que cette dernière n’existe pas ! Les articulations sont faîtes pour s’articuler ! Pour plus d’aisance, il est impératif que le cycliste change de position tout au long de sa sortie !
Sébastien : Alors, je n’aurai plus mal au dos ?
Le Doc : Au contraire ! Riche de ces adaptations, le vélo devient un sport merveilleux pour les lombalgiques qui retrouvent la quadrupédie des grands singes … qui n’avaient pas de douleur de colonne vertébrale ! La bipédie est la principale cause de nos douleurs de rachis !
AVEC DE BONS REGLAGES, LE VÉLO C’EST SANS SOUCI POUR LE DOS !
Enfin, votre performance ne sera pas altérée pour quelques centimètres carrés supplémentaires de surface frontale … d’autant qu’on pousse plus fort quand on a pas mal ! … Sans compter que retrouver le plaisir est essentiel pour pédaler et garder la santé jusqu’à 112 ans 😊 !
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