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LE COUREUR DEVENU CRIQUET

Dernière mise à jour : 9 févr. 2023


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport



Rémy a 48 ans. Il fait du Trail avec enthousiasme. Il a déjà validé plus de 100 kilomètres en compétition. Il vient me voir pour sa visite médicale d’aptitude. En fin de consultation, comme à son habitude, ils me posent plein de questions. Et j’y répond avec enthousiasme ...


Rémy : Où en sommes-nous à propos des polémiques scientifiques autour du stretching ? Dois-je faire des étirements avant mes courses ?


Le Doc : La réponse reste plutôt non ! En effet, un étirement passif, en posture maintenue, sans contraction dynamique du muscle concerné, induit des adaptations plutôt délétères. Ces dernières sont à la fois « structurales » et « fonctionnelles ». Premièrement, au sein des tendons et des membranes musculaires, les fibres microscopiques sont organisées en chevrons. Quand vous les étirez lentement, elles s’ouvrent, gagnent en longueur mais perdent en élasticité.


ÉTIREMENT LENT : PERTE D’ÉLASTICITÉ


Lors du fractionné rapide qui va suivre, la probabilité de claquage s’accroît. Concernant l’activité neuromusculaire, l’étirement prolongé met à contribution le réflexe dit de Golgi. Des capteurs dans les tendons perçoivent la tension mécanique. Le système nerveux répond à cette information en relâchant le muscle concerné afin d’assumer plus aisément la posture imposée. Voilà qui contribue au gain d’amplitude recherché dans les assouplissements. Voilà surtout qui induit une perte de tonicité et de vigilance musculaire juste avant un effort.


ÉTIREMENT LENT : PERTE DE VIGILANCE ET DE TONCITÉ


Sans compter l’apaisement émotionnel comparable à celui que vous percevez à l’issu d’un cours de stretching ; sensation nous éloigne du mental recherché pour un exercice intensif. A la clé : diminution de la performance et augmentation du risque de blessure ! D’ailleurs plusieurs études le confirment ! En pratique un bon échauffement avant un running consiste à partir tout doucement et à accélérer progressivement ! Plein de bon sens, facile et scientifiquement validé !


Rémy : Pourtant, les sprinteurs s’étirent avant une course ! Les footballeurs s’étirent avant un match !


Le Doc : Vous avez tout à fait raison ! Mais leurs exercices les amènent progressivement à assumer les vitesses élevées et les grandes amplitudes inhérentes à leurs gestes compétitifs, rien à voir avec un footing à 11 km/h ou même une séance VMA à 15 km/h. De surcroît, ils font des étirements dynamiques !


ÉTIREMENT BALISTIQUE : GAIN D’ÉLASTICITÉ


Par exemple, ils réalisent des balanciers de jambes d’amplitudes progressivement croissantes. Ces aller-retours souples permettent de retrouver l’organisation du chevron en position courte. Les fibres coulissent et s’ouvrent de plus en plus mais se referment tout autant ! Elles conservent leur élasticité. Sur le plan neurologique, ces mises en tensions rapides ne sollicitent pas le réflexe de Golgi qui relâche lentement le muscle mais le réflexe myotatique qui le rend plus tonique ! Cette dernière boucle nerveuse est testée quand votre médecin tape en dessous de votre rotule, sur votre tendon rotulien. Cette traction brusque sur la chaine musculotendineuse tire sur une structure centrale du muscle appelé « fuseau neuromusculaire ». En réaction, il se produit une contraction vive de ce muscle. Ce réflexe a été sélectionné par l’évolution car il est protecteur.


ÉTIREMENT BALISTIQUE : GAIN DE VIGILANCE ET DE TONCITÉ


Il évite que les masses musculaires ne se déchirent quand elles sont violemment mises en tension. Il empêche l’articulation de ployer lourdement lors d’une réception. C’est exactement ce que recherche les pratiquants de sports d’explosivité : protection contre les claquages et gain de tonicité. Voilà qui confère un regain d’intérêt pour ces bons vieux étirements avec « à-coups ».


Rémy : Et des étirements lors du retour au calme ? Juste après un trail par exemple ?


Le Doc : Il est toujours vrai et logique de ne pas vous étirer après un run sur le relief. En effet, à l’occasion des descentes, vos articulations sont parties dans le sens de la pente. Elles ont été suivies par vos tendons et vos membranes musculaires alors que vos fibres se contractaient et tiraient en sens inverse ! On parle de travail excentrique. Vous imaginez les contraintes mécaniques à la jonction entre ces tissus dits « passifs » et « actifs ».


ÉTIREMENT ET MICROLÉSIONS DES FOULÉES : MÊME MÉCANISME


Ces microtraumatismes sont d’ailleurs à l’origine des courbatures et des tendinites. Notez aussi que ce stress mécanique est comparable à celui induit pas les étirements … lorsque vous emmenez votre os dans une direction et que le muscle résiste !

Rémy : Si je comprends bien, les étirements reproduisent le stress tissulaire de l’entraînement … et permettent l’adaptation s’ils sont bien dosés … ou favorisent la lésion si on abuse !


Le Doc : Vous avez tout compris ! Tout est une question de curseur ! Voilà pourquoi après une grosse séance en montagne, les étirements pourraient aggraver les microlésions … et en aucun cas favoriser la récupération. En revanche, après un footing en ville, le traileur peut s’étirer un peu pour mimer la dilacération des membranes propres aux descentes ! On n’est pas dans la régénération, bien au contraire, on tente d’accroître la décompensation et gagner un peu en spécificité.


Rémy ; Du coup ! Jamais d’étirements en récupération ? Après une séance de décrassage par exemple ?


Le Doc : C’est là qu’une vision nouvelle s’impose ! Celle des fascias ! Il s’agit de grands filets tissulaires qui servent d’enveloppe à la totalité de notre corps. On parle de « tissu conjonctif ».


RUN ET BIKE FAVORISENT LE « SYNDROME DU CRIQUET »


Cette cote de maille fibreuse présente des renforts constitués des tendons et des sacs musculaires épais. Ces structures plus denses traversent le corps verticalement, horizontalement et obliquement, suivant ainsi les orientations des multiples tensions mécaniques de notre organisme.

Rémy : Ah oui, je perçois un peu ça quand je passe des heures à grimper, tout mon corps recroquevillé vers l’avant … J’ai aussi là même sensation après des longues sorties à vélo !


Le Doc : Très bon exemple ! Je parle de « syndrome du criquet » pour décrire cette rétraction des fascias antérieurs. Je la ressens dans les mêmes circonstances !


Rémy : Alors, le traileur doit étirer ses fascias ! Mais comment ?


Le Doc : C’est là que les concepts novateurs ressemblent étrangement aux thérapies millénaires ! Pour étirer notre immense maillage conjonctif, pour conserver la souplesse de ses longs renforts fibreux et fonctionnels, il faut des exercices globaux qui suivent ces axes mécaniques !


YOGA ET ÉTIREMENTS DES FASCIAS POUR CONSERVER SES AMPLITUDES


On est loin du stretching analytique muscle par muscle en vogue il y a encore quelques années ! Vous comprenez alors que le Qi Gong, le Tai Chi et surtout le Yoga constituent des pratiques traditionnelles complètement cohérentes avec les approches scientifiques récentes ! Alors ? Une fois par semaine, faîtes du yoga et arrêtez de vous étirer !


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