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« ALLEZ, SOUFFLE BIEN ! »


Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport Rédacteur en chef de www.docdusport.com





Mathilde a 47ans. Elle vient me voir pour son certificat d’aptitude à la course à pied. Elle prépare assidûment le semi-marathon de Paris. Je l’examine. Je lui prends sa fréquence cardiaque et mesure sa pression artérielle. Elle bât à 84 par minute et sa tension est à 14/9.


Le Doc : Dîtes moi Matilde, vos chiffres sont un peu élevés. Ces résultats sont évocateurs de surentraînement. Vous ne seriez pas un peu de fatiguée ? … Vous faîtes beaucoup de fractionné ?


Mathilde : Non pas tellement, je ne suis pas en club. Je ne fais pas de piste. Je cours plutôt en continue le matin, … mais, je suis souvent essoufflée.


Le Doc : Allez, je parie que vous faîtes vos sorties avec votre conjoint ? Et vous essayez de suivre ?


Mathilde. : Eh oui ! C’est ça ! Il me demande souvent de m’accrocher ! L’autre fois, on s’est inscrit aux 10 kilomètres de Vincennes. Il m’a dit : « je vais le faire avec toi, ce sera plus sympa ! ». En fait, je n’aime pas quand il m’accompagne sur les compétitions. Il veut me coacher mais il est beaucoup plus fort que moi. Il a l’impression de se traîner et me demande toujours d’accélérer ! Quand je suis essoufflé, il a l’impression que je ne sais pas respirer ; Alors il me dit : « Allez, souffle bien ! » ! Vraiment, ça m’agace ! Lors de cette course, mon voisin de peloton en a souri et m’a demandé : « Vous courez par amour de la course à pied ou par amour ? ». J’ai récupéré quelques molécules d’air et je lui ai répondu : « Les deux mais je ne sais pas si ça va durer ! »


Le Doc : Si j’ai émis cette hypothèse, c’est que cette situation est très fréquente. Et, il s’agit d’une cause fréquente de surentraînement ! La parité vous donne le droit à un salaire identique mais concernant la VMA, la Vitesse Maximale Aérobie, la vitesse à laquelle on atteint sa fréquence cardiaque maximum, il existe une différence statistique de 15%. Elle s’explique aisément par le climat hormonal. Les deux tiers, soit 10%, se justifient par un écart d’adiposité induit pas les œstrogènes, les hormones féminines. En effet, chaque foulée est un petit saut d’environ 8cm qui impose de soulever son poids. En moyenne, le corps d’une femme est constitué de 25% de tissu graisseux contre 15% pour un homme. Le tiers restant, soit 5%, est lié au manque d’influence de la testostérone, l’hormone mâle. Ce messager biologique est un puissant inducteur de synthèse en protéines. Conséquence : les femmes ont moins de fibres musculaires et moins d’hémoglobine. Souvenez-vous, cette dernière substance se concentre dans les globules rouges, fixe l’oxygène et la transporte des poumons vers le muscles. En plus, vous en perdez toujours un peu pendant les règles. Tous ces facteurs expliquent la différence de force et de puissance ! C’est incontournable !


Mathilde : Je crois qu’il ne se rend pas compte que c’est dur, notamment lorsque j’essaye d’accélérer un peu pour qu’il s’ennuie moins.


Le Doc : Là encore, la physiologie justifie ce phénomène. La difficulté perçue lors d’un effort augmente parallèlement à la vitesse de course lorsque vous évoluez en dessous du seuil de l’essoufflement. Au-delà, la pénibilité grimpe de façon exponentielle. On peut considérer qu’elle suit l’élévation de l’acide lactique dans le sang. De fait si, pour lui faire plaisir, vous accélérez de 1 km/h et qu’à cette occasion vous franchissez le seuil, l’exercice devient soudain particulièrement laborieux. Mais, lui restant en stricte aisance respiratoire voit à peine la différence ! Je vous invite à ne pas travaillez trop souvent à cette intensité. Ce surmenage insidieux est vraiment source de surentraînement. Quel est le chrono de votre mari sur le semi ? Et le votre ?


Mathilde : Il a fait 1H25 et moi 2H05 …


Le Doc : Alors, je vous suggère de faire un peu de pédagogie. Vous lui proposez de le coacher pour le prochain semi de Paris depuis le bord de la route. Pour optimiser sa perf, vous lui demandez de partir au côté d’Abraham Kiptum. Cet athlète est kényan et recordman du monde du semi-marathon en 58mn18s. Il court à près de 22 km/h. Quand, au bout de 200 mètres, il explosera ! Vous lui lancerez « Allez, souffle bien ! ».

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