En plus de l’acclimatation aux compétitions en montagne, les stages en altitude augmenteraient les performances au niveau de la mer ! Alors, comment ça marche ? Et quels sont les détails de la recette ?
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
À l’issue d’un séjour en altitude bien conçu, les études mentionnent une amélioration des chronos sur marathon d’environ 5 % ! C’est très significatif ! Si vous faites 3h30, vous pouvez revendiquer 3h20. Mais attention, il s’agit là d’une moyenne ! Certains individus répondent mieux que d’autres à ce type de stimulation ! De surcroît, l’effet s’émousse à très haut niveau et quand l’entraînement habituel est déjà très intensif.
Les effets de l’altitude
En altitude, la pression atmosphérique diminue mais le pourcentage d’oxygène reste inchangé, aux alentours de 21 %. Ainsi, à chaque mouvement respiratoire, une plus petite quantité de ce gaz précieux gagne vos alvéoles pulmonaires. On parle d’« hypoxie ». Vos globules rouges circulent dans les petits vaisseaux qui tapissent ces sacs microscopiques, ils ne parviennent plus à capter suffisamment d’oxygène. Votre sang est mal oxygéné ! En passant à travers le rein, cet organe est informé. Pour compenser, il sécrète de l’érythropoïétine, la fameuse EPO. Une substance dopante célèbre quand elle est administrée de façon artificielle ! L’EPO est une hormone, un messager biologique qui va agir à distance et stimuler la moelle osseuse où se multiplient les cellules sanguines. Quelques jours plus tard, votre taux de globules rouges s’accroît. Ils viennent en plus grand nombre dans les poumons pour capter le peu d’oxygène présent en altitude. La concentration du sang en oxygène augmente et la situation s’équilibre. De retour dans la vallée, la quantité d’oxygène inspirée redevient normale alors que votre taux de globules rouges reste élevé. Selon les études, il s’est accru de 3 à 10 %. Ainsi, vous acheminez une quantité plus élevée de ce gaz dans vos muscles. À la manière du soufflé qui attise le bûcher, vous parvenez à brûler plus d’énergie, vous améliorez vos performances. Vous l’avez compris, il ne s’agit pas de dopage mais d’un traitement naturel par l’EPO de votre propre corps, obtenu à l’issue d’un entraînement assidu et dont les effets ne pourront jamais dépasser les normes physiologiques compatibles avec la santé ! Le principe semble assez simple mais les modalités d’un séjour efficace sont loin d’être évidentes. Voyons tout cela.
Combien de temps ? À quelle altitude ?
Pour obtenir un accroissement du taux de globules rouges, il faut une réduction notable de la quantité d’oxygène de l’air. À partir de 2 500 mètres, on constate une augmentation significative de l’EPO. Au cours de la première semaine, la fréquence cardiaque et surtout le rythme respiratoire s’accélèrent pour apporter plus d’oxygène aux tissus. On parle de « phase d’adaptation ». Durant cette période, la moelle osseuse est stimulée ; les cellules sanguines jeunes qui s’y trouvent se multiplient puis gagnent en maturité. Au cours des 10 à 15 jours qui suivent les globules rouges achevés gagnent la circulation sanguine puis leur taux se stabilise progressivement. C’est la « phase d’acclimatation ». Notez bien qu’il ne s’agit pas de la seule modification physiologique. L’hémoglobine, la protéine des globules rouges transportant l’oxygène, apprend aussi à mieux le restituer en passant dans les masses musculaires. Pour cela, elle s’équipe d’une petite molécule, le 2.3 phosphoglycérate, qui module sa forme. Les petits vaisseaux sanguins, les capillaires, traversant les muscles, deviennent plus nombreux. Les mitochondries, les petites centrales énergétiques musculaires utilisant l’oxygène, voient, elles aussi, leur densité s’accroître ! Vous l’avez compris, tous ces mécanismes contribuent à une meilleure exploitation de l’oxygène disponible ! En pratique, le séjour en altitude idéal dure 2 à 4 semaines et a lieu vers 2 500 mètres. Au-dessus, les effets de l’hypoxie altèrent trop le mode de vie et les conditions de récupération. Ce type de programme se prête bien aux vacances estivales au sein d’un hôtel ou d’une résidence de station de ski, à proximité d’équipement pour redescendre en dessous de 1 500 mètres.
L’entraînement en altitude
La méthode qui a démontré son efficacité porte le sigle « V.H.E.B. » comme « Vivre Haut / s’Entraîner Bas ». En effet, quand les séances ont lieu en altitude, les physiologistes ont constaté que l’hypoxie diminuait trop les vitesses de course. De fait, le rendement et la force sont altérés. La régression menace ! Alors, vivez votre vie à la station et descendez en téléphérique ou en voiture pour courir ! La logistique n’est pas évidente, parfois fatigante… mais nécessaire. Arrivez en forme ! Le fer est indispensable à la synthèse de l’hémoglobine, il fixe l’oxygène. Deux à trois mois avant le départ, faites contrôler votre stock de fer à l’aide d’une prise de sang. En cas de carence, prenez une complémentation et insistez sur la viande rouge, le foie ou le boudin ! Au cours de la semaine précédente, octroyez-vous une cession de récupération active, contentez-vous de trottiner en endurance ! Selon certains scientifiques, les « mauvais répondeurs aux séjours en altitude » seraient surtout des athlètes fatigués. De fait, le programme de votre entraînement au cours de ce stage est probablement aussi important que la notion d’hypoxie ! Schématiquement, lors de la première semaine, repartez pour des séances très faciles type régénération. Lors de la deuxième, abordez les vitesses de compétition « trail », « marathon », « semi », voire « 10 km ». Pendant la dernière, attaquez les séances fractionnées au-dessus du seuil de l’essoufflement.
Adaptez l’hygiène de vie
Lors d’un stage en altitude, votre alimentation se révèle essentielle ! L’hypoxie coupe souvent l’appétit et favorise la perte de masse musculaire. En effet, elle active la sécrétion de cortisol, une hormone du stress qui a pour mission de mettre à disposition de l’énergie en brûlant vos muscles ! Afin de freiner le processus, il faut manger copieusement en insistant sur les protéines. Viande, poisson, œufs voire soja et produits laitiers doivent être présents en abondance à chacun de vos repas ! Et pourquoi ne pas ajouter un peu de musculation ? Le plus souvent, le dénivelé s’en charge mais vous pouvez aussi pratiquer quelques exercices légers en salle. Lorsque l’air est moins dense, il est aussi plus pauvre en vapeur d’eau. Vous vous déshydratez insidieusement ! Buvez abondamment. Le revêtement des voies respiratoires est également plus sec. Associé au stress et à la fraîcheur nocturne, lors d’un stage d’altitude, vous multipliez par 2 à 3 votre risque d’infections de la gorge et du nez. Prenez soin de bien vous couvrir, notamment après les séances. En montagne, tout particulièrement pendant la phase d’adaptation, vos fréquences cardiaque et respiratoire augmentent. Peaufinez votre récupération : relaxation, massage, balnéothérapie avec jacuzzi. N’oubliez pas non plus le farniente avec un bon bouquin !
Quand programmer votre prochaine compétition ?
Vous venez de terminer un stage sportif. En plus, vous l’avez effectué en « hypoxie ». Il faut récupérer, il faut surcompenser ! Certaines études montrent une amélioration des performances au niveau de la mer 3 à 4 jours, mais il s’agit de tests de courte durée sans rapport avec une véritable compétition. En pratique, la fatigue disparaît alors que les bienfaits physiologiques favorables persistent 15 à 21 jours après la fin du stage ! C’est le moment de programmer votre compétition ! Il est aussi possible de repartir pour un cycle d’entraînement plus intensif afin d’entretenir les adaptations musculaires : densité en vaisseaux et en mitochondries. Malheureusement, les globules rouges acquis en montagne auront inexorablement disparu après 4 mois. Pour vous consoler, sachez que les sportifs d’endurance en possèdent 20 % de plus que les sédentaires. Logique : on peut considérer chaque séance au-dessus du seuil de l’essoufflement comme un « mini stage » en hypoxie ! Voilà une explication qui contribue à mieux comprendre l’intérêt du « Vivre haut / s’entraîner bas » : « Vivre haut » met en hypoxie tout au long du repos, « s’entraîner bas » suffit à l’hypoxie !
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