Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport
Rédacteur en chef de docdusport.com À ski, si vous tombez les doigts ouverts dans la poudreuse, vous risquez une belle entorse du pouce. Prudence ! En cas de rupture complète du ligament, une intervention chirurgicale peut s’avérer indispensable !
Au moment où votre pouce se plante dans la neige, il s’écarte de la main. Le ligament, la cordelette fibreuse qui le relie à la paume, s’abîme. Quand il est juste irrité mais de longueur conservée, c’est une entorse bénigne. Lorsqu’il est légèrement distendu, c’est une entorse moyenne. S’il est totalement déchiré, c’est une entorse grave !
PAS DE MOUVEMENT ANORMAL ! ÇA RASSURE !
En cas d’entorse bénigne, la douleur initiale peut être importante mais elle diminue rapidement. Quelques heures plus tard, la base de votre pouce est un peu gonflée car des globules blancs sont venus nettoyer la lésion : c’est l’inflammation. Le médecin de station vous fait mal quand il appuie en bas de votre pouce, à la face interne, du côté de l’index. Quand il l’écarte dans le sens du traumatisme, vous souffrez, mais le mouvement est d’amplitude normale, comparable à celle obtenue du côté opposé. À la fin du geste, il sent un blocage net : le ligament est tendu et solide ! Dans ce contexte, un petit strapping peut suffire. Pour réentraîner les muscles qui verrouillent et protègent cette articulation, faites un peu d’autorééducation en serrant une balle mousse dans la main.
ÇA BLOQUE ! CE N’EST PAS GRAVE !
Si votre ligament est distendu, quelques petits vaisseaux sanguins ont été lésés. Un peu de sang remplit l’articulation et coule sous la peau. La base de votre pouce est gonflée et entourée de traînées bleues appelées ecchymoses. Lorsque votre médecin du sport mobilise votre articulation, il constate qu’elle bouge plus que du côté opposé. Néanmoins, il sent un blocage franc en fin de mouvement. Le ligament est plus long mais toujours continu ! Dans ces circonstances, une attelle à Velcro® ou en résine est indiquée pendant environ 4 semaines. Ce petit gantelet prend la base du pouce mais libère la dernière phalange, tous les autres doigts et le poignet. Ainsi équipés, les plus acharnés pourront reprendre les pistes et finir leur semaine de sports d’hiver !
ÇA GLISSE, C’EST GRAVE !
En cas d’entorse grave, le ligament est rompu, les vaisseaux sanguins qui le traversent sont déchirés ! Le saignement est abondant, le pouce est très gros et souvent largement bleuté. La souffrance initiale est intense mais elle peut régresser rapidement. L’explication usuelle est simple : le ligament coupé ne subit plus aucune tension , les récepteurs à la douleur ne sont plus stimulés lors des mouvements ! En revanche, quand votre médecin palpe votre pouce, vous avez mal tout autour de l’articulation. Le traumatisme a été si violent que l’ensemble du sac articulaire est souvent déchiqueté. De surcroît, l’articulation est venue s’impacter du côté opposé à la lésion ligamentaire. Quand le docteur teste la laxité de votre articulation, il constate que le mouvement est ample et facile. Il ne sent aucun blocage, l’articulation semble glisser ! Mais, en pratique, pour faire la différence entre une entorse moyenne ou grave, une radiographie est vivement conseillée !
PHOTOS DE VACANCES !
Une simple radiographie apporte déjà pas mal d’informations. On constate parfois la présence d’une petite fracture. Il s’agit en fait de l’arrachement du point d’accrochage du ligament, c’est l’équivalent d’une entorse grave. En l’absence de fragments osseux, il est possible de faire des « clichés dynamiques ». Comme au cours de l’examen initial, le radiologue écarte votre pouce. Si l’amplitude du mouvement dépasse de 30° celle obtenue du côté sain, votre ligament est totalement rompu, c’est une entorse grave !
ÇA GLISSE ENCORE, ÇA SE COMPLIQUE !
L’articulation située à la base du pouce est atypique ! Quand ce doigt s’écarte, il emmène son ligament mais aussi le tendon du muscle chargé de le ramener dans l’axe, l’ « adducteur du pouce ». Si le ligament se déchire, cette « bandelette de l’adducteur » vient se glisser entre les deux portions sectionnées. La remise en contact n’a pas lieu, la cicatrisation est impossible ! Pour briller dans les dîners en ville, sachez que cette complication est appelée « effet STENER » du nom du médecin qui l’a décrite. Elle survient dans les deux tiers des entorses graves du pouce. (dessin) Les séquelles sont invalidantes. La face interne du pouce ne peut plus jouer son rôle de hauban. La « prise de force », consistant à saisir un manche épais, et la « prise fine », destinée à l’écriture, deviennent instables ! L’échographie et l’IRM analysent bien les tissus mous. L’une et l’autre sont adaptées pour rechercher l’incarcération du tendon de l’adducteur et justifier l’opération !
OPÉRATION OU IMMOBILISATION ?
Si les deux moignons de ligaments sont au contact l’un de l’autre, le sang va constituer une croûte qui assurera la jonction. Peu à peu, elle se transformera en tissu fibreux puis en ligament. Pour obtenir cette cicatrisation, une immobilisation stricte est nécessaire pendant 4 à 6 semaines. Après ablation, une rééducation est indispensable pour « mécaniser » votre ligament et aligner les fibres dans l’axe des contraintes. C’est ainsi que votre articulation redeviendra solide et souple. Si la bandelette de l’adducteur s’est interposée, le chirurgien la remet à sa place et suture proprement votre ligament. Même après l’intervention, un petit gantelet se justifie pendant 4 semaines. Durant cette période, la nature a le temps de rétablir une véritable continuité tissulaire. Là encore, vous ne couperez pas à un peu de kinésithérapie pour retrouver force et mobilité.
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