« Pour soigner une blessure, rien ne vaut le repos ». Ce dogme est une contre vérité ! Plus qu’inutile, cette méthode favorise la récidive ! Pire, elle est souvent à l’origine d’autres lésions !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecine et traumatologie.
Thierry a fait un claquage au mollet lors d’une partie de tennis. Prudent, il a arrêté tout entraînement. Peu à peu, la douleur a disparue. Rassuré, il a repris sa raquette. A la première montée au filet, il a ressenti la même douleur en coup de poignard ! Normal ! Sa cicatrice était inadaptée et son corps désentraîné !
Le repos fait de vilaines cicatrices !
Le repos, l’immobilité sont à l’origine de cicatrices inadaptées aux contraintes. Le saignement local provoque la formation d’une croûte qui colle sur les tissus voisins. L’hémorragie amène des cellules appelées « fibrocytes ». En l’absence de stimulation propre au tissu lésé, ils constituent une cicatrice « fibreuse » dépourvue de spécificité. Sans sollicitation mécanique, les fibres produites s’entremêlent en tous sens et sont à l’origine d’un magma rigide, volumineux mais fragile. A l’occasion d’une remise en tension, il risque de céder ! Une gerçure qui se déchire dès que vous esquissez un sourire tient d’un processus voisin ; une blessure qui récidive aussi !
Il faut traiter la cause !
Philippe souffre sur le côté du genou, uniquement au cours de son footing. Son gros tendon latéral frotte sur un relief osseux, un grand classique chez le coureur de fond. Il n’a pas mal dans la vie quotidienne. Il décide de se mettre au repos pendant 1 mois … Durant cette période, il ne ressent aucune douleur en allant au bureau … tout comme avant ! A l’issue de cette sédentarité imposée, il renoue avec le footing ! 15 minutes plus tard, il croise une vieille amie … sa douleur ! Il finit son parcours en sa compagnie ! Normal, le repos n’est pas le traitement. Il aurait fallu soigner la cause : des troubles de la dynamique plantaire favorisées par une reprise du sport. Une semelle correctrice aurait été la bienvenue. Un peu de natation, de vélo, d’elliptique ou de musculation aurait permis de préserver la condition physique utile à une bonne qualité d’appui.
Le repos déconditionne tout le corps
Gérard fait du trail, il a l’habitude de courir dans la montagne. Dans les descentes, il bondit de pierres en pierres. La qualité de ses appuis est impressionnante ! Depuis qu’il souffre d’une tendinite d’Achille, il s’est obligé à un repos complet. Peu à peu, sa condition physique s’altère et il perd sa coordination. Quand son tendon va mieux, il finit par reprendre la course. En sommet d’une petite côte, il est étonnamment essoufflé. Fatigué, il se lance dans la descente. Sa vigilance est émoussée. Il met le pied dans une ornière. Sa cheville bascule ! C’est l’entorse ! Ainsi commence le cercle infernal de la blessure ! Gérard aurait mieux fait de garder la forme à vélo. En piscine, il aurait pu sautiller pour travailler ses appuis. Très vite, malgré une petite douleur à l’échauffement, il aurait dû trottiner sur terrain varié. Ces activités lui auraient probablement évité l’entorse de cheville … tout en contribuant au traitement de sa tendinite d’Achille !
Toutes les blessures sont concernées
Les muscles, les tendons, les ligaments lésés et même les os fracturés profitent d’une activité physique progressive pour guérir au mieux. La kinésithérapie en fait partie, le sport adapté aussi ! Vous l’avez compris une sollicitation bien dosée favorise la « différenciation » des cellules amenées par le sang en cellules spécifiques. Les fibres s’orientent dans l’axe des contraintes. Les cicatrices musculaires, ligamentaires et tendineuses gagnent en élasticité. Elles parviennent à se déformer puis à revenir en position sans se casser. L’os est plus rigide. La formation du cal passe par une immobilisation plus stricte type résine ou plâtre, de temps à autre, par une fixation à l’aide de matériel chirurgical. Cette première étape est indispensable car il s’agit d’un tissu dur. Cependant, à l’issu de ce traitement, votre os ne peut pas assumer le sport. Peu à peu, vous devez le réentrainer avant de renouer avec le terrain ! A quelques semaines d’une fracture du membre inférieur, la reprise progressive de l’appui constitue souvent la phase initiale de ce protocole. En effet, des pressions et des tractions sont nécessaires pour activer les cellules constructrices. Ainsi, il se forme des tuyaux microscopiques appelés « travées osseuses de Havers ». Ces dernières assurent une architecture solide … et même un soupçon élastique. Le cal se remodèle et s’affine ! Sur la radiographie vous constatez que sa silhouette fusionne avec celle de l’os située de part et d’autre de la fracture. Cette image symbolise bien la notion de « mécanisation de la cicatrice ».
Le traitement efficace n’est pas l’abandon !
Si une activité dosée est essentielle pour guider la réparation des tissus, l’excès de sollicitation vient déchirer une cicatrice encore fragile. Un dosage subtil et progressif est impératif. Au début, une immobilisation n’est pas exclue. Elle peut être totale, partielle ou amovible. Elle est souvent accompagnée de kinésithérapie. De l’exercice physique est toujours possible. Il est souvent conseillé d’écouter sa douleur mais ce n’est pas suffisant. Chaque tissu à ses fragilités et doit s’adapter à ses contraintes spécifiques. Une bonne connaissance du geste est indispensable, on parle de « biomécanique ». Bien sûr, il faut pouvoir analyser les contraintes de votre sport préféré … celui que vous souhaitez reprendre. Il est impératif aussi d’appréhender avec précision celles des activités intermédiaires qui jalonnent votre réhabilitation : natation, aquagym, vélo, cardiotraining, course, etc. Selon l’évolution de votre blessure, votre médecin du sport et votre kinésithérapeute modifie votre programme. Il vous ramène pas à pas aux sollicitations inhérentes à votre sport. Sans repos et sans hypocrisie, cette prise en charge participe à votre guérison, limite les récidives et contribue à la prévention des autres blessures !
تعليقات