Dès que vous atteignez 2500 mètres d’altitude, il peut gâcher votre trekking ou vous obliger à redescendre. 40 % de ceux qui tentent le Mont Blanc sont concernés. Ses complications gravissimes provoqueraient le décès de 3 % des himalayistes ! Explications et conseils !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport,
Avec l’altitude la pression atmosphérique et la quantité d’oxygène inspirée diminue. Elles sont environ divisées par 2 au sommet du Mont Blanc et par 3 au sommet de l’Everest. Les réactions de l’organisme à ce stress physiologique appelé « hypoxie » ne sont pas toujours bien adaptées. Comme pour tenter d’améliorer l’approvisionnement en oxygène, il arrive que la paroi des petits vaisseaux s’ouvre en excès. Du liquide sanguin franchit cette barrière tissulaire inflammée et provoque des œdèmes. Ce phénomène se produit tout particulièrement dans le cerveau et dans les poumons. Voilà qui semble expliquer les symptômes du «Mal aigu des montagnes» ou MAM et ses complications : œdème des poumons et œdème cérébral d’altitude.
Reconnaissez le mal des montagnes
Quand vous êtes atteint du mal des montagnes vous souffrez de maux de tête, de manque d’appétit, de nausées et parfois de vomissements. Vous êtes fatigué, vous dormez mal. Vous êtes beaucoup plus essoufflé que d’habitude pendant l’exercice et parfois même au repos. Il arrive que vos chevilles et vos paupières soient gonflées. On décrit 3 stades de MAM : léger, modéré ou sévère. Ils dépendent de la gravité et de l’accumulation des symptômes. Ces indices sont regroupés dans le« score de MAM » indiqué dans le tableau ci-dessous. Nous verrons que chaque stade impose un traitement différent.
Maux de tête
Manque d’appétit ou nausées
Insomnie
Vertiges
1 point par symptôme
Maux de tête résistant à l’aspirine
Vomissements
2 points par symptôme
Essoufflement au repos
Fatigue anormale
Œdème
3 points par symptôme
MAM léger : score entre 1 et 3
MAM modéré : score entre 3 et 6
MAM sévère : Score > 6
Le mal des montagnes survient 4 à 8 heures après votre arrivée en altitude. Il atteint son maximum en 24 à 36 heures. En l’absence de complication, il s’atténue en 3 à 4 jours. Á partir de 2500 mètres, 25 % des trekkeurs en sont atteints mais la probabilité augmente nettement avec la vitesse d’ascension. Vous avez appris que 40 % des sportifs qui gravissent le Mont Blanc au rythme recommandé étaient touchés. Sachez que la proportion s’élève à 75 % parmi ceux qui grimpent plus vite.
Ça se complique !
L’ennui avec le MAM, ce n’est pas seulement l’inconfort et le plaisir gâché ! C’est surtout le risque de complications ! Les œdèmes pulmonaire et du cerveau de haute altitude procèdent du même mécanisme pathologique et peuvent provoquer le décès du trekkeur ! Les montagnards aguerris ne sont pas épargnés, ils peuvent soudainement en être victime après des dizaines de courses sans encombre ! L’œdème du poumon touche 2 % des trekkeurs au-dessus de 3500 mètres et 10 % au-delà de 4500. Il se caractérise par le passage d’une fraction du sang dans les alvéoles pulmonaires. Il s’agit d’une véritable noyade interne. L’essoufflement devient majeur même au repos. La victime tousse et produit des crachats mousseux correspondant à l’émulsion du plasma sanguin. Parfois même, les glaires sont roses du fait de la présence de globules rouges ! Les médecins parlent d’expectorations saumonées ! Rapidement, un cercle vicieux s’enclenche. Le défaut d’oxygénation du sang augmente l’ouverture et l’inflammation des petits vaisseaux. L’œdème qui en résulte perturbe encore le passage de l’oxygène. En l’absence de traitement, le décès survient dans 40 % des cas ! L’œdème cérébral de haute altitude peut survenir dès 2500 ou 3000 mètres. Il apparait parfois entre 5 et 7000 mètres alors que l’acclimatation semble terminée. L’hyperpression dans le cerveau provoque des maux de tête intenses, insensibles à l’aspirine. Elle est aussi responsable de vomissements violents, en jet, tout particulièrement le matin. Fatigue profonde, torpeur puis coma complètent progressivement le tableau. En fait, la base du cerveau, responsable de la régulation de la vie réflexe ne tarde pas être poussée dans la colonne cervicale puis à s’y écraser. Le fonctionnement de la respiration et du cœur devient anarchique. Á partir du moment où le patient a perdu connaissance, il succombe 60 % des cas ! Bien sûr, la coordination, la réflexion sont rapidement perturbées. Le grimpeur devient irritable, il a parfois des hallucinations. L’œdème cérébral de haute altitude tue aussi des guides expérimentés car il est responsable de maladresse, de chute et de décisions aberrantes….
Êtes-vous candidats au mal des montagnes ?
Durant votre ascension, vous risquez le MAM si vous prenez trop vite de l’altitude. C’est vrai aussi en cas d’effort intense au cours duquel vos muscles réquisitionnent l’oxygène aux dépens de votre cerveau. La déshydratation également réduit la masse sanguine et perturbe le transport de ce gaz précieux. Avant le départ, au cours de votre visite d’aptitude au trekking, votre médecin du sport doit s’efforcer de rechercher d’autres facteurs favorisants. Des antécédents de MAM révèlent des difficultés d’adaptation au manque d’oxygène. Si vous avez déjà été victime d’un œdème du poumon de haute altitude, votre risque de récidive est multiplié par 6. Le terrain migraineux, l’obésité, l’anxiété et les séquelles de traumatisme crânien augmentent également la probabilité de MAM. Les experts ne sont pas d’accord quant à l’influence du tabagisme. Le jeune âge constitue un facteur de risque connu. Avant 18 mois, on ne dépasse pas 1500 mètres, avant 10 ans 2000, avant 14 ans 2500, avant 16 ans 3000 et avant 18 ans 4000. Après 55 ans, l’adaptation au manque d’oxygène redevient moins bonne. Quoi qu’il en soit un entraînement assidu, une bonne condition physique ou un long passé de trekking sans souci ne protègent pas du mal des montagnes et de ses complications !
Soigner le mal des montagnes
En cas de MAM léger, prenez un peu d’aspirine ou de paracétamol. Réduisez l’intensité de votre effort et prenez soin de vous réhydrater. Si votre MAM est modéré, arrêtez de monter et reposez-vous ! S’il est sévère, il est impératif de redescendre sous peine de complications. 500 mètres peuvent suffire pour voir disparaître les symptômes. Si l’état de santé du trekkeur se complique ou lorsqu’il est dangereux faire demi-tour, il est possible de l’allonger dans un caisson gonflable de recompression. On obtient l’équivalent de 1500 à 2000 mètres de descente. Il est facilement transportable et pèse moins de 5 kg. Mais attention, son usage rend difficile la surveillance du patient notamment s’il est dans le coma. En cas d’œdème cérébral ou pulmonaire, il est aussi possible d’utiliser un masque à oxygène. Les anti-inflammatoires types corticoïdes limitent l’irritation des parois vasculaires et réduisent l’œdème. Les diurétiques stimulent la production de l’urine et diminue la rétention d’eau.
Evitez le mal des montagnes ?
Si votre médecin détecte des facteurs favorisants de MAM, il est recommandé de réaliser un test d’effort en hypoxie. En milieu hospitalier, vous pédalez sur un vélo fixe. A l’aide d’un masque vous respirez de l’air correspondant au niveau de la mer puis de l’air contenant aussi peu d’oxygène qu’au sommet du Mont Blanc. L’appareil enregistre la fréquence et la profondeur de votre respiration. Un capteur placé sur votre oreille mesure la teneur de votre sang en oxygène. Un électrocardiogramme décrit l’activité électrique de votre cœur. Une mauvaise adaptation à l’altitude se caractérise plutôt par une respiration rapide et peu profonde ne parvenant pas à enrichir votre sang en oxygène. En cas de sensibilité au MAM confirmée, votre médecin du sport peut vous prescrire du DIAMOX à titre préventif. Ce médicament acidifie votre sang et provoque une stimulation des centres respiratoires. Ces structures réflexes situées à la base du cerveau restent plus actives et plus vigilantes. A l’inverse, même en cas de troubles du sommeil, ne prenez pas de somnifères. Ces produits inhibent la respiration, favorisent ou aggravent le mal des montagnes. Dans tous les cas, la meilleure prévention reste une montée lente et progressive. Au-dessus de 3000 mètres, votre ascension ne doit dépasser 400 mètres par jour.
BIENVENU A 8000 METRES
L’espèce humaine n’est pas adaptée à la très haute altitude. En haut de l’Everest, la température oscille entre – 20 et – 60° et le vent souffle souvent à 110 km/h. A l’approche des plus grands sommets du globe, la quantité d’oxygène disponible est divisée par 3. Celui qui grimpe atteint sa fréquence cardiaque maximum à une puissance de travail trois fois plus basse ! Marcher à 2 km/h sur une pente enneigée correspond à un vigoureux travail fractionné sur une piste en tartan… qui durerait des heures ! Même en l’absence d’œdème, le cerveau n’apprécie guère le manque d’oxygène. A 2000 mètres, on décèle déjà des fautes de calcul. A 5000 mètres, le raisonnement perd sa logique et la coordination s’altère. A 8000 mètres, les moments de conscience se font rares et l’équilibre devient très précaire ! Bienvenu sur les crêtes !
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